Papisme et révolution Française
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Papisme et révolution Française
Lisez avec patience ce qui suit et vous comprendrez mieux certaines choses concernant la France(dont je suis malgré tout citoyen)
après être citoyen du Royaume de Dieu et son Christ Yehshua
La Bible et la Révolution française
Au seizième siècle, une Bible ouverte à la main, la Réforme
avait frappé à la porte de tous les pays d’Europe. Certaines nations
l’avaient accueillie comme une messagère céleste. D’autres, influencées par la papauté, lui avaient en grande partie fermé l’accès de
leur territoire, qui resta ainsi presque totalement privé de la connaissance et de l’influence bienfaisante de la Parole de Dieu. Parmi ces
derniers, il faut ranger la France, où la lumière pénétra de bonne
heure, où, des siècles durant, la vérité et l’erreur furent aux prises,
et où le mal finit par triompher et la lumière céleste par être bannie.
“La lumière étant venue dans le monde, les hommes ont préféré
les ténèbres à la lumière 1
.” Aussi la nation française tout entière
a-t-elle récolté les fruits de ses semailles. La puissance protectrice de
l’Esprit de Dieu ayant cessé d’entourer un peuple qui avait méprisé
[286] le don de sa grâce, les ferments du mal sont parvenus à maturité, et
le monde a pu contempler les résultats auxquels on s’expose volontairement lorsqu’on ferme sa porte au Prince de la Paix et à la pure
lumière de son Evangile.
La guerre faite à l’Evangile sur le sol de France atteignit son
point culminant sous la Révolution. Cet effroyable bouleversement
fut la conséquence naturelle de la suppression de la Parole de Dieu 1
.
Il est la démonstration la plus frappante de l’aboutissement auquel
peut arriver une nation après plus d’un millénaire passé à l’école de
l’église de Rome.
La suppression des saintes Ecritures durant la période de la
suprématie papale avait été prédite par les prophéties; d’autre part,
l’Apocalypse avait annoncé les terribles résultats qu’aurait, pour la
France en particulier, la domination de “l’homme de péché”.
“[Les nations] fouleront aux pieds la ville sainte pendant
quarante-deux mois, avait dit saint Jean. Je donnerai à mes deux témoins le pouvoir de prophétiser, revêtus de sacs, pendant mille deux
1. Jean 3 :19.
1. Voir Appendice.
230
Chapiter 15 — La Bible et la Révolution française 231
cent soixante jours. ... Quand ils auront achevé leur témoignage,
la bête qui monte de l’abîme leur fera la guerre, les vaincra, et les
tuera. Et leurs cadavres seront sur la place de la grande ville, qui est
appelée, dans un sens spirituel, Sodome et Egypte, là même où leur
Seigneur a été crucifié. ... Et à cause d’eux les habitants de la terre se
réjouiront et seront dans l’allégresse, et ils s’enverront des présents
les uns aux autres, parce que ces deux prophètes ont tourmenté les
habitants de la terre. Après les trois jours et demi, un esprit de vie,
venant de Dieu, entra en eux, et ils se tinrent sur leurs pieds; et une
grande crainte s’empara de ceux qui les voyaient 2
.”
Les périodes “quarante-deux mois” et “mille deux cent soixante
jours” mentionnées dans ce passage sont un seul et même laps de [287]
temps, à savoir celui pendant lequel l’Eglise de Dieu devait être
opprimée par celle de Rome. Les mille deux cent soixante années
de la suprématie papale commencèrent en l’an 538 de notre ère,
et devaient par conséquent se terminer en 1798 1
. A cette dernière
date, une armée française entra dans Rome, s’empara du pape et le
conduisit en exil à Valence, où il mourut. On ne tarda pas à élire un
nouveau pape, mais la Curie fut incapable de rétablir son ancienne
puissance.
Cependant la persécution des fidèles disciples du Sauveur ne
dura pas jusqu’à la fin de la période des mille deux cent soixante
années. Dans sa miséricorde envers son peuple, Dieu abrégea la
durée de cette cruelle épreuve. En prédisant la “grande affliction”
qui allait être le lot de son Eglise, le Sauveur avait dit : “Et si ces
jours n’étaient abrégés, personne ne serait sauvé; mais, à cause des
élus, ces jours seront abrégés 2
.” Grâce à l’influence de la Réforme,
la persécution prit fin avant 1798.
Au sujet des deux témoins, le prophète ajoute : “Ce sont les deux
oliviers et les deux chandeliers qui se tiennent devant le Seigneur
de la terre.” “Ta Parole, dit le Psalmiste, est une lampe à mes pieds,
et une lumière sur mon sentier 3
.” Les deux témoins représentent
les Ecritures de l’Ancien et du Nouveau Testament. L’un et l’autre
témoignent de l’origine et de la perpétuité de la loi de Dieu. L’un
2. Apocalypse 11 :2-11.
1. Voir Appendice.
2. Matthieu 24 :22.
3. Apocalypse 11 :4 ; Psaumes 119 :105.
232 La Tragédie des Siècles
et l’autre proclament le plan de la Rédemption. Les symboles, les
sacrifices et les prophéties de l’Ancien Testament annoncent un
Sauveur à venir. Les évangiles et les épîtres du Nouveau Testament
nous parlent d’un Sauveur déjà venu, et qui répond exactement aux
symboles et aux prophéties.
“Je donnerai à mes deux témoins, lisons-nous dans l’Apocalypse,
le pouvoir de prophétiser, revêtus de sacs, pendant mille deux cent
[288] soixante jours.”
Durant la plus grande partie de cette période, les deux témoins
de Dieu ont connu une période d’obscurité relative. La puissance
papale s’est efforcée de soustraire au peuple la Parole de vérité et de
produire de faux témoins qui en contredisaient le témoignage 1
. Le
temps où les deux témoins prophétisèrent, vêtus de sacs, est celui
où les saintes Ecritures étaient proscrites par les autorités civiles et
religieuses, où leur témoignage était falsifié, où l’effort réuni des
hommes et des démons tendait à en détourner les esprits, où ceux
qui osaient en proclamer les vérités sacrées étaient traqués, ensevelis
dans des cachots, torturés, martyrisés pour leur foi ou obligés d’aller
demander une retraite aux forteresses de la nature, aux rochers et aux
antres de la terre; c’est alors que les deux témoins “prophétisèrent
vêtus de sacs”. Ce ministère, ils le poursuivirent pendant toute la
période des mille deux cent soixante années. Aux époques les plus
sombres, il y eut des hommes fidèles qui aimaient la Parole de Dieu
et qui, jaloux de sa gloire, reçurent de son Auteur sagesse, puissance
et autorité pour annoncer la vérité.
“Si quelqu’un veut leur faire du mal, du feu sort de leur bouche
et dévore leurs ennemis; et si quelqu’un veut leur faire du mal, il
faut qu’il soit tué de cette manière 2
.” Ce n’est jamais impunément
qu’on foule aux pieds la Parole de Dieu. Le sens de cette terrible
sentence est donné dans le dernier chapitre de l’Apocalypse : “Je le
déclare à quiconque entend les paroles de la prophétie de ce livre : Si
quelqu’un y ajoute quelque chose, Dieu le frappera des fléaux décrits
dans ce livre; et si quelqu’un retranche quelque chose des paroles
du livre de cette prophétie, Dieu retranchera sa part de l’arbre de la
vie et de la ville sainte, décrits dans ce livre 3
.”
1. Voir Appendice.
2. Apocalypse 11 :5.
3. Apocalypse 22 :18, 19.
Chapiter 15 — La Bible et la Révolution française 233
Tels sont les avertissements que Dieu nous donne pour nous
mettre en garde contre la tentation d’apporter la moindre altération [289]
à ce qu’il a révélé ou ordonné. Ces solennelles instructions s’appliquent à tous ceux dont l’influence pousse les hommes à faire peu
de cas de la loi divine. Elles devraient faire trembler ceux qui traitent
à la légère l’obéissance aux saints commandements de Dieu. Tous
ceux qui mettent leurs opinions au-dessus de la révélation divine, qui
altèrent le sens clair et évident des Ecritures en vue de se procurer un
avantage particulier ou afin de se conformer au monde, prennent sur
eux une redoutable responsabilité. Le critère qui servira à éprouver
tous les hommes, c’est la Parole écrite, la sainte loi de Dieu; tous
ceux que ce code infaillible déclarera coupables seront condamnés.
“Quand ils auront achevé [ou seront sur le point d’achever 1
] leur
témoignage, la bête qui monte de l’abîme leur fera la guerre, les
vaincra et les tuera.”
La période pendant laquelle les deux témoins devaient rendre
leur témoignage revêtus de sacs se termina en 1798. Vers la fin de
leur ministère exercé dans l’ombre, la puissance représentée par
la “bête qui monte de l’abîme” allait leur faire la guerre. Durant
des siècles, les autorités civiles et ecclésiastiques de plusieurs Etats
européens avaient été, par l’intermédiaire de la papauté, dirigées
par Satan. Mais ici on assiste à une nouvelle manifestation de sa
puissance.
Sous prétexte d’une grande vénération pour les saintes Ecritures,
la tactique constante de Rome avait été de les tenir scellées dans une
langue inconnue, et de les mettre ainsi hors de la portée du peuple.
Sous cette domination, les deux témoins avaient prophétisé vêtus de
sacs. Mais un nouveau pouvoir — la “bête qui monte de l’abîme” —
devait surgir et livrer une guerre ouverte à la Parole de Dieu. [290]
“Et leurs cadavres seront sur la place de la grande ville, qui est
appelée, dans un sens spirituel, Sodome et Egypte, là même où leur
Seigneur a été crucifié.”
La “grande ville” dans les rues de laquelle les deux témoins sont
tués, et où gisent leurs cadavres, “est appelée, dans un sens spirituel, ... Egypte”. De toutes les nations dont l’Ecriture nous rapporte
l’histoire, c’est l’Egypte qui a le plus effrontément nié l’existence de
1. Trad. littérale. Voir Emphatic Diaglott.
234 La Tragédie des Siècles
Dieu et foulé aux pieds ses commandements. Aucun monarque ne
s’était jamais révolté plus audacieusement contre l’autorité du ciel
que le pharaon d’Egypte. Quand Moïse lui apporta un message de la
part de Dieu, il lui répondit avec hauteur : “Qui est l’Eternel, pour
que j’obéisse à sa voix, en laissant aller Israël ? Je ne connais point
l’Eternel, et je ne laisserai point aller Israël 1
.” Tel est le langage de
l’athéisme. Or, la nation représentée ici par l’Egypte devait également refuser de reconnaître les droits du Dieu vivant; elle devait faire
preuve d’une incrédulité semblable, et défier de la même façon le
Créateur des cieux et de la terre. La “grande ville” est aussi appelée,
“dans un sens spirituel, Sodome”. La corruption de Sodome se manifestait plus spécialement par sa luxure. Ce péché devait également
caractériser la nation qui allait accomplir cette prophétie.
Il ressort donc des paroles du prophète que, peu avant l’an 1798,
un gouvernement sortant de “l’abîme” devait s’élever pour faire la
guerre à la Parole de Dieu. Dans le pays où les deux témoins allaient
être réduits au silence, on devait voir s’étaler l’athéisme de Pharaon
et la luxure de Sodome.
Cette prophétie a reçu l’accomplissement le plus frappant dans
l’histoire de la France. Au cours de la Révolution, en 1793, “le
monde vit pour la première fois une assemblée d’hommes nés et
[291] élevés en pays civilisé, et s’arrogeant le droit de gouverner la nation
la plus policée de l’Europe, s’unir pour renier unanimement la vérité
la plus haute qui soit accessible à l’homme : la foi en la divinité
et en son culte 1
”. “La France est la seule nation du monde qui ait
officiellement osé lever la main contre l’Auteur de l’univers. Il y a
eu, et il y a encore, bon nombre de blasphémateurs et d’incrédules
en Angleterre, en Allemagne, en Espagne et ailleurs; mais la France
occupe une place à part dans les annales de l’humanité, étant le seul
Etat qui, par une décision de son assemblée législative, ait déclaré
l’inexistence de Dieu, et dont la vaste majorité de sa population, tant
dans la capitale qu’en province, ait accueilli cette nouvelle par des
danses et des chants de joie 1
.”
A la même époque, la France manifesta aussi le caractère de
Sodome. Au cours de la Révolution, on put constater un état de
1. Exode 5 :2.
1. Voir Appendice.
1. Voir Appendice.
Chapiter 15 — La Bible et la Révolution française 235
corruption analogue à celui qui attira la colère de Dieu sur cette ville
coupable de l’antiquité. L’histoire, comme la prophétie, établit un
rapport entre l’athéisme et l’impudicité. “En relation intime avec
les lois contre la religion se trouvait celle qui attaquait le mariage.
L’engagement le plus sacré existant entre deux êtres humains, et
dont la permanence est indispensable à la conservation de la société,
était réduit à l’état de simple contrat civil de nature transitoire, et
que deux personnes peuvent contracter et rompre à volonté. ... Si
des ennemis de la société s’étaient imposé la tâche de détruire tout
ce qu’il y a de gracieux, de vénérable et de constant dans la vie
domestique par un mal qui se perpétuât de génération en génération,
ils n’auraient rien pu trouver de plus efficace que la dégradation du
mariage. ... Sophie Arnould, actrice célèbre par son esprit, appelait
l’union libre “le sacrement de l’adultère”.
“Où leur Seigneur a été crucifié”, dit la prophétie. Ce détail
prophétique s’était également réalisé. Aucun pays — au cours de [292]
son histoire — n’avait manifesté autant d’inimitié que la France
contre Jésus-Christ, contre sa Parole et contre ses vrais disciples.
Par les persécutions qu’elle avait fait subir au cours des siècles aux
confesseurs de l’Evangile, elle avait réellement “crucifié le Seigneur”
dans la personne de ses disciples.
Siècle après siècle, le sang des saints avait coulé à flots. Pendant que les Vaudois, dans les montagnes du Piémont, donnaient
leur vie pour “la Parole de Dieu et le témoignage de Jésus”, les
Albigeois faisaient, en France, le même sacrifice et pour la même
cause. Aux jours de la Réforme, les Huguenots avaient également
versé leur sang pour conserver ce qu’il y a de plus cher au cœur
humain : la conscience. Traités en parias, ils avaient vu leur tête
mise à prix. Pourchassés comme des fauves, ils avaient subi la mort
après d’affreuses tortures. Le roi et les nobles, des femmes de haute
naissance et de délicates jeunes filles s’étaient rassasiés du spectacle
de l’agonie des martyrs de Jésus.
Ceux de leurs descendants qui restaient encore en France au
dix-huitième siècle se cachaient dans les montagnes du Midi, et là,
sous le nom d’“Eglise du Désert”, ils conservaient la foi de leurs
pères. Quand ils osaient se réunir de nuit sur le flanc des montagnes
ou dans les landes désertes, c’était au risque d’être traqués par les
dragons du roi et condamnés à une vie d’esclavage sur les galères.
236 La Tragédie des Siècles
Les hommes les plus purs, les plus nobles et les plus distingués
de France vivaient dans les chaînes, ou exposés aux plus horribles
tortures dans la promiscuité des bandits et des assassins. Plus humainement traités étaient ceux qui, sans armes et sans défense, tombant
à genoux et se recommandant à Dieu, étaient fusillés de sang-froid.
Des centaines de vieillards, de femmes inoffensives et d’enfants
innocents, surpris en pleine assemblée, étaient laissés inanimés sur
les lieux. En parcourant le versant des montagnes où ces infortunés
[293] chrétiens avaient coutume de se réunir, on voyait souvent, “tous les
quatre pas, des corps morts qui jonchaient le chemin et des cadavres
suspendus aux arbres”. Leur pays, dévasté par l’épée, la hache et le
bûcher, fut transformé en un vaste et lugubre désert. “Ces atrocités
se perpétraient non pas en un temps de ténèbres et d’ignorance, mais
dans le siècle poli de Louis XIV, siècle où les arts et les sciences
étaient cultivés, où les lettres florissaient et où les théologiens de la
cour et de la capitale, savants et éloquents, se paraient des grâces de
la douceur et de la charité 1
.”
Mais le plus noir des forfaits, le plus atroce des crimes enregistrés
par l’histoire, fut le massacre de la Saint-Barthélemy. Le monde
frémit encore d’horreur au souvenir de ce lâche et cruel attentat. Sous
la pression des dignitaires de l’Eglise, ce crime fut autorisé par le
roi de France. Une cloche de l’église de Saint-Germain-l’Auxerrois,
retentissant dans le silence de la nuit, donna le signal de la tuerie.
Des milliers de protestants qui, comptant sur la parole d’honneur
de leur roi, reposaient tranquillement dans leurs lits, furent assaillis
dans leurs demeures et massacrés.
De même que le Christ avait été le Conducteur invisible de son
peuple lorsqu’il l’arracha à l’esclavage de l’Egypte, de même Satan
fut le chef invisible de ses sujets dans cet horrible égorgement qui
se poursuivit dans Paris sept jours durant, les trois premiers avec
une indicible fureur. Mais cette œuvre de mort ne se borna pas à la
capitale : par ordre du roi, elle s’étendit à toutes les provinces et à
toutes les villes où vivaient des protestants. On n’eut égard ni à l’âge
ni au sexe. On n’épargna ni l’enfant à la mamelle, ni le vieillard aux
cheveux blancs. Nobles et paysans, jeunes et vieux, mères et enfants,
tous étaient également immolés. Le massacre dura deux mois entiers
1. Voir Appendice.
Chapiter 15 — La Bible et la Révolution française 237
dans toutes les parties de la France. Soixante-dix mille âmes environ,
la fleur de la nation, périrent. [294]
“Quand la nouvelle de ce crime parvint à Rome, la joie du clergé
ne connut pas de bornes. Le cardinal de Lorraine récompensa le
messager d’un don de mille couronnes; le canon de Saint-Ange
se fit entendre en signe de joyeux salut; les cloches de toutes les
églises sonnèrent à toute volée; les feux de joie transformèrent
la nuit en jour; et Grégoire XIII, accompagné des cardinaux et
d’autres dignitaires ecclésiastiques, se rendit en procession à l’église
de Saint-Louis, où le cardinal de Lorraine chanta le Te Deum. ...
Une médaille fut frappée pour commémorer l’événement. Le pape
Grégoire envoya la Rose d’or à Charles IX et, quatre mois après, ... il
écoutait complaisamment le sermon d’un prêtre français célébrant ce
jour de joie et d’allégresse où le Saint-Père reçut l’heureuse nouvelle,
et alla solennellement en rendre grâces à Dieu et à Saint Louis 1
.” On
peut encore voir au Vatican les trois fresques de Vasari représentant
le meurtre de Coligny, le roi décidant le massacre en conseil, et le
massacre lui-même.
L’esprit infernal qui poussa à la Saint-Barthélemy présida aussi
aux scènes de la Révolution. Jésus-Christ y fut déclaré un imposteur,
et le cri de ralliement des incrédules qui le désignaient était : “Ecrasons l’infâme 1
.” Le blasphème et la luxure marchaient de pair; des
hommes abjects, des monstres de cruauté et de vice étaient comblés
d’honneur : hommage suprême rendu à Satan, tandis que JésusChrist, la personnification de la vérité, de la pureté et de l’amour
désintéressé, était crucifié à nouveau.
“La bête qui monte de l’abîme leur fera la guerre; elle les vaincra
et les tuera.”
Comme on vient de le voir, la puissance athée qui gouverna la
France sous la Révolution et le règne de la Terreur livra en effet
à Dieu et à sa Parole une guerre sans précédent dans l’histoire.
L’Assemblée nationale abolit le culte de la divinité. Les exemplaires [295]
de la sainte Ecriture furent ramassés et brûlés publiquement avec
toutes les marques du mépris. La loi de Dieu était foulée aux pieds.
La célébration publique du culte chrétien, du baptême et de la cène
1. Voir Appendice.
1. Voir Appendice.
238 La Tragédie des Siècles
fut interdite; le repos hebdomadaire fut supprimé et remplacé par
le décadi. Des inscriptions placées bien en vue sur les cimetières
déclaraient que la mort est un sommeil éternel.
On affirmait que, loin d’être “le commencement de la sagesse”,
la crainte de Dieu était le commencement de la folie. Tout culte religieux, sauf celui de la liberté et de la patrie, fut prohibé. “L’évêque
constitutionnel de Paris eut le principal rôle dans une comédie impudente et scandaleuse qui fut jouée en présence de l’Assemblée
nationale. ... Il vint, recouvert de ses ornements sacerdotaux, pour
déclarer à la barre de la Convention que la religion qu’il avait enseignée tant d’années avait été inventée de toutes pièces par les prêtres
et qu’elle n’avait aucun fondement ni dans l’histoire ni dans la vérité
sacrée. Dans les termes les plus solennels et les plus explicites, il
nia l’existence de la divinité dont il avait été le prêtre, annonçant
qu’il allait désormais dédier sa vie au culte de la liberté, de l’égalité,
de la vertu et de la morale. Il déposa alors devant l’Assemblée ses
insignes épiscopaux et reçut du président de la Convention l’accolade fraternelle. Plusieurs prêtres apostats suivirent l’exemple de ce
prélat 1
.”
“Et à cause d’eux les habitants de la terre se réjouiront et seront
dans l’allégresse, et ils s’enverront des présents les uns aux autres,
parce que ces deux prophètes ont tourmenté les habitants de la terre.”
La France avait réduit au silence la voix de ces deux témoins. La
Parole de vérité, étendue comme un cadavre dans ses rues, mettait
dans la joie ceux qui haïssaient les restrictions et les exigences de
[296] la loi divine. On outrageait publiquement le Dieu du ciel. Comme
certains pécheurs d’autrefois, on s’écriait : “Comment Dieu sauraitil, comment le Très-Haut connaîtrait-il 1
?”
Avec une hardiesse dans le blasphème dépassant presque toute
conception, un prêtre du nouvel ordre s’écriait : “Dieu, si tu existes,
venge les injures faites à ton nom. Je te défie ! ... Tu gardes le silence.
... Tu n’oses pas lancer les éclats de ton tonnerre ! ... Qui, après
ceci, croira encore à ton existence 2
?” Echo frappant des paroles
de Pharaon : “Qui est l’Eternel pour que j’obéisse à sa voix ? Je ne
connais pas l’Eternel !”
1. Voir Appendice.
1. Psaumes 73 :11.
2. Lacretelle, Histoire 11 :309. Cité dans Alison’s History of Europe, vol. I, chap. X.
Chapiter 15 — La Bible et la Révolution française 239
“L’insensé dit en son cœur : Il n’y a point de Dieu 3
.” De ceux
qui pervertissent la vérité, il est dit : “Leur folie sera manifeste pour
tous 4
.” Quand la foule eut répudié le culte du Dieu vivant, de celui
“dont la demeure est éternelle”, elle ne tarda pas à glisser dans une
idolâtrie dégradante. En la personne d’une comédienne, le culte de
la Raison fut inauguré sous les auspices de l’Assemblée nationale et
des autorités civiles et législatives.
“Les portes de la Convention s’ouvrirent toutes grandes pour
livrer passage à une bande de musiciens, à la suite de laquelle les
membres du Conseil municipal entrèrent en procession solennelle,
chantant un hymne à la liberté et escortant, comme objet de leur culte
futur, une femme voilée dénommée la déesse Raison. Dès qu’elle
se trouva dans l’enceinte, on la dépouilla solennellement de son
voile, et elle prit place à la droite du président. On reconnut alors
une actrice de l’Opéra. C’est à cette femme, considérée comme le
meilleur emblème de la raison, qu’allèrent les hommages publics de
la Convention nationale.
”Cette cérémonie impie et ridicule eut une certaine vogue; l’instauration de la déesse Raison fut renouvelée et imitée dans toutes [297]
les parties de la France où l’on voulut se montrer à la hauteur de la
Révolution 1
.”
Chaumette introduisit le culte de la Raison en ces termes : “Législateurs, le fanatisme a cédé la place à la Raison. Ses yeux louches
n’ont pu soutenir l’éclat de la lumière. Aujourd’hui, un peuple immense s’est porté sous ces voûtes gothiques où, pour la première
fois, on a entendu la vérité. Là, les Français ont célébré le seul vrai
culte, celui de la liberté, celui de la raison. Là, nous avons formé
des vœux pour la prospérité des armes de la République. Là, nous
avons échangé des idoles inanimées pour la Raison, pour cette image
animée, le chef-d’œuvre de la nature 2
.”
Lorsque la déesse fut amenée devant la Convention, le président
la prit par la main et dit en se tournant vers l’Assemblée : “Mortels,
cessez de trembler devant le Dieu que vos prêtres ont créé. Ne
reconnaissez plus désormais d’autre divinité que la Raison. Je vous
3. Psaumes 14 :1.
4. 2 Timothée 3 :9.
1. Voir Appendice.
2. Thiers, Hist. de la Révolution française, liv. 1, p. 260.
240 La Tragédie des Siècles
présente sa plus noble et sa plus pure image; s’il vous faut des
idoles, n’apportez plus vos hommages qu’à celle-ci. ... Tombe devant
l’auguste Sénat de la Liberté, ô voile de la Raison ! ...
”Après avoir reçu l’accolade du président, l’idole, montée sur un
char magnifique, fut conduite, au milieu d’un immense concours de
peuple, à la cathédrale Notre-Dame pour y figurer la divinité. Placée
sur un autel élevé, elle reçut les adorations de tous les spectateurs 3
.”
Cette cérémonie fut suivie d’un autodafé de livres pieux, y compris la Bible. “La Société populaire de la section du Musée entra au
Conseil en criant : Vive la Raison ! et, portant au bout d’un bâton
les restes d’un livre encore fumant, elle annonce que les bréviaires,
les missels, les heures, les oraisons de Sainte-Brigitte, l’Ancien et
[298] le Nouveau Testament ont expié, dans un grand feu, sur la place du
Temple de la Raison, toutes les sottises qu’ils ont fait commettre à
l’espèce humaine 1
.”
Le papisme avait commencé le travail qu’achevait l’athéisme.
Les leçons de Rome avaient entraîné la France dans une crise sociale,
politique et religieuse qui la précipitait vers la ruine. En parlant des
horreurs de la Révolution, certains auteurs en jettent la responsabilité
à la fois sur le Trône et sur l’Eglise 2
. En toute justice, ces excès
doivent être attribués à l’Eglise, qui avait empoisonné l’esprit des rois
au sujet de la Réforme, qualifiée par elle d’ennemie de la couronne et
d’élément de discorde fatal à la paix de la nation. Le génie de Rome
avait inspiré les cruautés inouïes et la terrible oppression exercées
par l’autorité royale.
En revanche, l’esprit de liberté avait marché de pair avec la Parole
de Dieu. Partout où l’Evangile avait été reçu, les yeux s’étaient
ouverts. Les chaînes de l’ignorance, du vice et de la superstition, le
plus avilissant des esclavages, avaient été brisées. ... On s’était mis à
penser et à agir en hommes. Ce que voyant, les monarques avaient
tremblé pour leur despotisme et Rome s’était empressée d’attiser
leurs craintes jalouses. En 1525, le pape disait au régent de France :
“Cette forcènerie [le protestantisme] ne se contentera pas de brouiller
la religion et de la détruire, mais aussi principautés, lois, ordres et
3. Alison, vol. I, chap. X.
1. Journal de Paris, 1793, n0 318. Cité par Buchez-Roux, vol. XXX, p. 200, 201.
2. Voir Appendice.
Chapiter 15 — La Bible et la Révolution française 241
même rangs 3
.” Quelques années plus tard, le nonce du pape donnait
au roi cet avertissement : “Sire, ne vous y trompez pas, les protestants
porteront atteinte à l’ordre civil comme à l’ordre religieux. Le trône
est en danger tout autant que l’autel. L’introduction d’une religion
nouvelle doit entraîner nécessairement un gouvernement nouveau 4
.”
Et les théologiens de faire appel aux préjugés populaires en déclarant
que la doctrine protestante “entraîne les hommes vers des nouveautés [299]
et des folies; qu’elle prive le roi de l’affection de ses sujets et dévaste
à la fois l’Eglise et l’Etat”. C’est ainsi que Rome avait réussi à dresser
la France contre la Réforme.
Les enseignements des Ecritures auraient au contraire implanté
dans les esprits et les cœurs des principes de justice, de tempérance,
de vérité, d’équité et de bienveillance, principes qui sont la pierre
angulaire de la prospérité nationale. “La justice élève une nation.”
“C’est par la justice que le trône s’affermit.” “L’œuvre de la justice
sera la paix, et le fruit de la justice le repos et la sécurité pour toujours 1
.” Celui qui est soumis à la loi divine ne faillira pas non plus au
respect des lois de son pays. Celui qui craint Dieu “honorera le roi”
dans l’exercice de ses attributions justes et légitimes. Les dirigeants
de la France ne se doutaient guère, hélas ! des conséquences de leur
fatale politique lorsqu’ils prohibèrent les Ecritures et bannirent ses
disciples, lorsque, siècle après siècle, des hommes intègres, éclairés,
consciencieux, ayant le courage de leurs convictions et la foi qui
consent à souffrir pour la vérité, avaient été condamnés aux galères,
consumés sur les bûchers ou enterrés vifs dans de sombres cachots.
Des myriades d’autres avaient cherché leur salut en passant à l’étranger. Et cela dura deux cent cinquante ans à partir des débuts de la
Réforme !
“Il n’y eut peut-être pas une génération de Français, au cours
de cette longue période, qui ne fût témoin de la fuite éperdue des
disciples de l’Evangile devant la fureur de leurs persécuteurs. Emportant avec eux leurs arts et leurs industries (dans lesquels ils excellaient généralement), leur intelligence et leur esprit d’ordre, ils
allèrent, au détriment de la France, enrichir les pays qui leur donnaient asile.
3. G. de Félice, Hist. des Protestants de France (6e éd.), liv. I, chap. II, p. 28.
4. Merle d’Aubigné, Hist. de la Réformation au temps de Calvin, liv. II, chap. XXXVI.
1. Proverbes 14 :34; 16 :12 ; Ésaïe 32 :17.
242 La Tragédie des Siècles
”Si, au cours de ces trois siècles, la main active de ces exilés
[300] avait cultivé le sol national; si leurs talents industriels avaient perfectionné ses usines; si leur génie créateur avait enrichi sa littérature
et cultivé ses sciences; si leur sagesse avait dirigé ses conseils; si
leur bravoure s’était donné libre carrière sur ses champs de bataille;
si leur équité avait rédigé ses lois et si la religion de l’Evangile avait
formé les consciences, quelle ne serait pas, aujourd’hui, la gloire de
la France ! Grande, prospère, heureuse, elle eût servi de modèle à
tous les peuples de la terre !
”Au lieu de cela, un fanatisme aveugle et inexorable chassait
du sol français les maîtres de la vertu, les champions de l’ordre et
les vrais soutiens du trône. En disant aux hommes qui auraient pu
assurer la gloire de leur patrie : Vous avez le choix entre l’exil et le
bûcher, on consomma la ruine de l’Etat. Et comme il ne resta plus
de conscience à proscrire, plus de religion à traîner sur la roue, plus
de patriotisme à exiler, on eut la Révolution et ses horreurs.
”La fuite des Huguenots avait été suivie en France d’une décadence générale. Des villes industrielles florissantes tombèrent à
rien; des régions fertiles demeurèrent en friche. A une période de
progrès sans précédent succédèrent le marasme intellectuel et le
déclin moral. Paris devint une vaste aumônerie où deux cent mille
personnes, au moment de la Révolution, attendaient leur subsistance
des largesses royales. Seuls, au sein de la décadence, les Jésuites
prospéraient et faisaient peser le joug de leur tyrannie sur les Eglises,
sur les écoles, dans les prisons et sur les galères.”
L’Evangile aurait apporté à la France la solution des problèmes
politiques et sociaux qui déjouaient l’habileté de son clergé, de
son roi et de ses législateurs et qui finirent par plonger le pays
dans l’anarchie et la ruine. Malheureusement, sous la tutelle de
Rome, le peuple avait oublié les enseignements bénis du Sauveur
se résumant dans l’amour du prochain. On l’avait détourné de la
voie du désintéressement. On n’avait pas censuré le riche opprimant
[301] le pauvre ni secouru le pauvre dans sa servitude et sa dégradation.
L’égoïsme du riche et du puissant était devenu de plus en plus dur et
cruel. Depuis des siècles, une noblesse prodigue et dissolue écrasait
le paysan; le riche pillait le pauvre et chez le pauvre la haine allait
en grandissant.
Chapiter 15 — La Bible et la Révolution française 243
Dans plusieurs provinces, les nobles étaient seuls propriétaires
fonciers, et la classe laborieuse, à la merci des propriétaires, était
soumise aux exigences les plus exorbitantes. Accablées d’impôts par
les autorités civiles et par le clergé, la classe moyenne et la classe
ouvrière étaient chargées d’entretenir à la fois l’Eglise et l’Etat. “Le
bon plaisir des nobles était considéré comme la loi suprême; les
fermiers et les paysans pouvaient mourir de faim : leurs oppresseurs n’en avaient cure. ... Les intérêts exclusifs des propriétaires
devaient toujours passer en premier. La vie du travailleur agricole
était une existence de misère; ses plaintes, si jamais il s’avisait d’en
faire entendre, étaient accueillies avec un superbe mépris. Les tribunaux donnaient toujours raison au noble contre le paysan. Les
juges se laissaient publiquement acheter et les caprices des aristocrates avaient force de loi. En vertu de ce système, la corruption
était générale. Des impôts arrachés au peuple, la moitié à peine trouvait le chemin du trésor royal ou épiscopal; le reste était gaspillé.
Et les hommes qui appauvrissaient ainsi leurs concitoyens étaient
eux-mêmes exempts d’impôts et avaient droit, de par la loi ou la
coutume, à toutes les charges de l’Etat. La Cour vivait dans le luxe
et la dissipation. Les classes privilégiées comptaient cent cinquante
mille membres et, pour suffire à leur gaspillage, des millions de
leurs concitoyens étaient condamnés à une vie de dégradation sans
issue 1
.”
La cour se livrait au luxe et à la dissipation. Toutes les mesures
du gouvernement étaient considérées avec méfiance par les administrés. Avec une aristocratie endurcie et corrompue, avec des classes [302]
inférieures indigentes et ignorantes, avec des finances obérées et
un peuple exaspéré, il n’était pas nécessaire d’être prophète pour
prédire ce qui devait arriver. En ces temps de relâchement, Louis
XV se signala pendant plus d’un demi-siècle par son indolence, sa
frivolité et sa sensualité. C’était en vain qu’on le pressait de faire
des réformes. S’il voyait le mal, il n’avait ni le courage ni le pouvoir d’y parer. Aux avertissements de ses conseillers, il répondait
invariablement : “Tâchez de faire durer les choses aussi longtemps
que je vivrai. Après ma mort, il arrivera ce qu’il pourra.” Il ne pré1. Voir Appendice.
244 La Tragédie des Siècles
disait que trop bien le sort qui attendait la France par cette parole
souverainement égoïste : “Après moi le déluge !”
En jouant sur la jalousie des rois et des classes dirigeantes, Rome
les avait poussés à maintenir le peuple dans un état de servitude,
sachant très bien qu’en affaiblissant l’Etat, elle affermissait d’autant
son ascendant sur la nation entière. Sa politique clairvoyante lui
enseignait que, pour asservir les peuples, il faut enchaîner les âmes et
leur ôter toute velléité de liberté. Or la dégradation morale résultant
de cette politique était mille fois plus lamentable que les souffrances
physiques. Privé du pur Evangile, saturé de fanatisme, le peuple était
plongé dans l’ignorance, la superstition et le vice, et, par conséquent,
il ne savait pas se gouverner.
Tel était le plan de Rome. Mais le dénouement fut tout autre. Au
lieu de retenir les foules dans une aveugle soumission à ses dogmes,
elle avait fait des incrédules et des révolutionnaires. Considéré par
le peuple comme inféodé aux oppresseurs, le romanisme récolta sa
haine. Le seul dieu, la seule religion que l’on connût étant le dieu
de Rome et les enseignements de Rome, on considéra l’avarice et la
cruauté de l’Eglise comme les fruits légitimes de l’Evangile et l’on
ne voulut plus en entendre parler.
Rome ayant dénaturé le caractère de Dieu et perverti ses exi-
[303] gences, on rejeta et la Bible et son Auteur. Au nom des Ecritures,
la papauté avait exigé une foi aveugle en ses dogmes. Par réaction,
Voltaire et ses collaborateurs rejetèrent entièrement la Parole divine
et semèrent à pleines mains le poison de l’incrédulité, Rome avait
écrasé le peuple sous son talon de fer et maintenant, dans leur horreur
de la tyrannie, les masses dégradées et brutalisées rejetaient toute
contrainte. Furieux d’avoir trop longtemps rendu hommage à une
brillante fiction, le peuple rejeta également la vérité et le mensonge.
Confondant la liberté avec la licence, les esclaves du vice exultèrent
dans leur liberté imaginaire.
Au commencement de la Révolution, par concession royale, le
peuple obtint aux Etats généraux une représentation supérieure en
nombre à celles du clergé et de la noblesse. La majorité gouvernementale se trouvait donc entre ses mains; mais il n’était pas en
état d’en user avec sagesse et modération. Dans sa hâte de redresser
les torts dont elle avait souffert, une populace aigrie par la souffrance et par le souvenir des vieilles injustices entreprit aussitôt de
Chapiter 15 — La Bible et la Révolution française 245
reconstruire la société et de se venger des auteurs de son dénuement.
Mettant à profit les leçons qu’on leur avait données, les opprimés
devinrent les oppresseurs de leurs tyrans.
Malheureuse France ! Elle récoltait dans le sang la moisson de
ses semailles et buvait au calice amer de sa soumission à la puissance
de Rome. C’est sur l’emplacement même où, sous l’influence du
clergé, avait été élevé le premier bûcher à l’intention des réformés
que la Révolution dressa la première guillotine. C’est à l’endroit
même où, au seizième siècle, les premiers martyrs de la foi réformée avaient été brûlés, qu’au dix-huitième furent guillotinées les
premières victimes de la vindicte populaire. En rejetant l’Evangile
qui lui eût apporté la guérison, la France avait ouvert toute grande la
porte à l’incrédulité et à la ruine. Le joug des lois divines secoué, on
s’aperçut que les lois de l’homme étaient impuissantes à endiguer la
marée montante des passions humaines, et la nation sombra dans la
révolte et l’anarchie. La guerre à la Parole de Dieu inaugura une ère [304]
connue dans l’histoire sous le nom de “règne de la Terreur”. La paix
et le bonheur furent bannis des foyers et des cœurs. Personne n’était
en sécurité. Celui qui triomphait aujourd’hui était, demain, accusé
et condamné. La violence et la luxure avaient libre cours.
Le roi, le clergé et la noblesse furent livrés aux atrocités d’une
populace en démence. L’exécution du roi excitant la soif de vengeance, les hommes qui avaient décrété sa mort le suivirent bientôt à
la guillotine. Le massacre général de tous ceux qui étaient suspects
d’hostilité à la Révolution fut décidé. Les prisons étaient combles :
à un certain moment, elles n’abritaient pas moins de deux cent mille
captifs. Dans les villes de province, on n’assistait qu’à des scènes
d’horreur. La France était devenue un champ clos où s’affrontaient
des foules en proie à la fureur de leurs passions. “A Paris, où les
tumultes succédaient aux tumultes, les citoyens étaient partagés en
factions ne visant qu’à leur extermination mutuelle. Pour comble de
malheur, la France avait sur les bras une guerre dévastatrice avec les
grandes puissances. “Le pays était acculé à la faillite; les armées
réclamaient leur solde arriérée; Paris était réduit à la famine; les
provinces étaient ravagées par des brigands, et la civilisation faisait
place à l’anarchie.”
Le peuple, hélas ! n’avait que trop bien retenu les néfastes leçons
de cruauté que Rome lui avait si patiemment enseignées, et le jour
246 La Tragédie des Siècles
des rétributions était enfin venu. Ce n’étaient plus maintenant les
disciples de Jésus qu’on jetait dans les cachots et qu’on entraînait
à l’échafaud. Il y avait longtemps qu’ils avaient été ou égorgés ou
contraints de s’exiler. Rome recevait maintenant les coups mortels
de ceux qu’elle avait habitués à verser, d’un cœur léger, le sang de
leurs frères. “La persécution dont le clergé de France avait donné
l’exemple pendant tant de siècles se retournait maintenant contre lui
avec une redoutable rigueur. Le sang des prêtres ruisselait sur les
[305] échafauds. Les galères et les prisons, autrefois pleines de Huguenots,
se peuplaient maintenant de leurs persécuteurs. Enchaînés à leur
banc et tirant l’aviron, des prêtres expérimentaient à leur tour les
supplices qu’ils avaient si gaiement infligés aux doux hérétiques 1
.”
“Puis vinrent les jours où le plus barbare de tous les codes fut
appliqué par un tribunal plus barbare encore; où nul ne pouvait
saluer son voisin ni faire sa prière sans s’exposer à commettre un
crime capital; où des espions étaient apostés à tous les coins de
rue; où la guillotine fonctionnait avec acharnement toute la matinée;
où les égoûts de Paris emportaient à la Seine des flots de sang
humain...; où des tombereaux parcouraient journellement les rues de
Paris conduisant au lieu d’exécution leurs chargements de victimes;
où les consuls envoyés dans les départements par le Comité de Salut
public se livraient à des orgies de cruauté inconnues même dans
la capitale. Le couperet de la fatale machine montait et retombait
trop lentement pour suffire à sa tâche et de longues files de captifs
étaient fauchées par la mitraille. Pour les noyades en masse, on
défonçait des barques chargées de malheureuses victimes. Lyon
fut réduit en désert. A Arras, on refusa même aux prisonniers la
cruelle miséricorde d’une mort immédiate. Tout le long de la Loire,
de Saumur jusqu’à la mer, de grandes troupes de corbeaux et de
vautours se repaissaient de la chair des cadavres nus, entrelacés dans
de hideuses étreintes. On ne faisait grâce ni au sexe ni à l’âge. Des
jeunes gens et des jeunes filles au-dessous de dix-sept ans étaient
immolés par centaines. Les Jacobins se lançaient d’une pique à
l’autre de petits enfants arrachés au sein maternel 1
.”
1. Voir Appendice.
1. Voir Appendice.
Chapiter 15 — La Bible et la Révolution française 247
Dans le court espace de dix ans, des multitudes d’êtres humains
avaient péri de mort violente. Tout cela était conforme aux désirs du
prince des ténèbres et au but qu’il poursuit de siècle en siècle avec
une invariable fourberie. Son objet est de plonger l’homme, créature
de Dieu, dans la désolation, de le défigurer, de le souiller et par là
de contrister le ciel en entravant les plans de la bienveillance et de [306]
l’amour divins. Cela fait, aveuglant les esprits, il rejette sur Dieu
la responsabilité de son œuvre, qu’il fait passer pour le résultat des
desseins originels du Créateur. Et lorsque ceux qu’il a longtemps
brutalisés et dégradés finissent par secouer leur chaîne, il les pousse
à des excès et à des atrocités que les tyrans et les oppresseurs citent
ensuite comme les conséquences légitimes de la liberté.
Mais il y a plus. Lorsqu’une certaine forme d’erreur est dévoilée,
Satan la présente sous un autre déguisement, qui est reçu par la
multitude avec tout autant de faveur que le précédent. Voyant que le
romanisme était démasqué et qu’il ne pouvait plus s’en servir pour
égarer les foules, l’ennemi les poussa dans l’extrême opposé. On
rejeta toutes les religions comme mensongères et la Parole de Dieu
comme un tissu de fables, pour se livrer sans remords à l’iniquité.
Ce qui attira tant de calamités sur la France, c’est l’ignorance
fatale de cette grande vérité, à savoir que la véritable liberté se
trouve dans l’obéissance à la loi de Dieu. “Oh ! si tu étais attentif
à mes commandements ! Ton bien-être serait comme un fleuve, et
ton bonheur comme les flots de la mer.” “Il n’y a point de paix pour
les méchants, dit l’Eternel.” “Mais celui qui m’écoute reposera avec
assurance, il vivra tranquille et sans craindre aucun mal 1
.”
Les athées, les incrédules et les apostats peuvent repousser et
combattre la loi de Dieu, les résultats de leur œuvre prouvent que
la prospérité de l’homme dépend de l’obéissance aux statuts divins.
Que ceux qui ne veulent pas croire le Livre de Dieu se donnent la
peine de lire ce fait dans l’histoire des nations.
Quand Satan se servait de l’Eglise romaine pour entraîner les
hommes loin du sentier de l’obéissance, sa main était si bien dissimulée qu’on ne voyait pas dans les maux qui en découlaient les [307]
résultats naturels de l’erreur. En outre, sa puissance était à tel point
neutralisée par l’Esprit de Dieu que son système ne pouvait produire
1. Ésaïe 48 :18, 22; Proverbes 1 :33.
248 La Tragédie des Siècles
tous ses fruits. On ne remontait pas des effets à la cause, et on ne
découvrait pas la source des misères publiques. C’est lors de la
Révolution, où la loi de Dieu fut ouvertement supprimée par l’Assemblée nationale, et surtout sous le règne de la Terreur qui suivit,
que chacun put voir les conséquences de l’abandon des préceptes
divins.
Quand la France renia Dieu publiquement et rejeta la Bible,
les impies — comme aussi les démons — exultèrent de voir enfin
la réalisation de leur plus cher désir : un royaume affranchi des
restrictions de la loi de Dieu ! “Parce qu’une sentence contre les
mauvaises actions ne s’exécute pas promptement, le cœur des fils de
l’homme se remplit en eux du désir de faire le mal 1
.” Ils ignorent
que la violation d’une loi juste entraîne nécessairement une pénalité
et que, si le châtiment ne suit pas toujours de près la transgression,
il n’en est pas moins certain. Des siècles d’apostasie et d’iniquité
avaient accumulé “un trésor de colère pour le jour de la colère”;
aussi, une fois la coupe de leur iniquité comblée, les prévaricateurs
et les impies apprirent que lasser la patience divine est une chose
terrible. L’Esprit de Dieu, dont la puissance protectrice imposait
un frein à la cruauté de Satan, s’étant partiellement retiré, l’être
implacable qui trouve ses délices à faire souffrir les hommes put
agir à sa guise. Ceux qui avaient choisi le sentier de la révolte
eurent bientôt l’occasion d’en mesurer les conséquences sur une
terre couverte de forfaits indescriptibles.
“A cette heure-là, il y eut un grand tremblement de terre, et la
dixième partie de la ville [de la grande ville : la chrétienté, à savoir
la France] tomba.”
Des provinces dévastées et des villes ruinées monta, lamentable
[308] et amère, une clameur désespérée. La France était secouée comme
par un “tremblement de terre”. La religion, la loi, l’ordre social,
la famille, l’Eglise et l’Etat, tout était abattu par la main impie qui
s’était levée contre la loi de Dieu. Ces paroles du Sage se justifiaient :
“Le bonheur n’est pas pour le méchant.” “Cependant, quoique le
pécheur fasse cent fois le mal et qu’il y persévère longtemps, je sais
aussi que le bonheur est pour ceux qui craignent Dieu, parce qu’ils
1. Ecclésiaste 8 :11.
Chapiter 15 — La Bible et la Révolution française 249
ont de la crainte devant lui 1
.” “Parce qu’ils ont haï la science, et
qu’ils n’ont pas choisi la crainte de l’Eternel,... ils se nourriront du
fruit de leur voie, et ils se rassasieront de leurs propres conseils 2
.”
Bien qu’immolés par la puissance blasphématrice “qui monte de
l’abîme”, les témoins de Dieu ne devaient pas demeurer longtemps
silencieux. “Après les trois jours et demi, un esprit de vie, venant
de Dieu, entra en eux, et ils se tinrent sur leurs pieds; et une grande
crainte s’empara de ceux qui les voyaient 3
.” C’est en 1793 que l’Assemblée nationale avait décrété l’abolition de la religion chrétienne
et la suppression des saintes Ecritures. Trois ans et demi plus tard,
la même Assemblée rapportait son décret et tolérait ainsi la libre
circulation du Livre saint. Le monde, épouvanté à la vue des débordements qui avaient suivi la répudiation de l’Evangile, reconnut la
nécessité de la foi en Dieu et en sa Parole comme base de la vertu et
de la morale. Cela était écrit : “Qui as-tu insulté et outragé ? Contre
qui as-tu élevé la voix ? Tu as porté tes yeux en haut sur le Saint
d’Israël.” “C’est pourquoi voici, je leur fais connaître, cette fois, je
leur fais connaître ma puissance et ma force; et ils sauront que mon
nom est l’Eternel 4
.”
Le prophète ajoute, au sujet des deux témoins : “Et ils entendirent
du ciel une voix qui leur disait : Montez ici ! Et ils montèrent au ciel
dans la nuée; et leurs ennemis les virent 5
.” Depuis que la France a
fait la guerre aux témoins de Dieu, ils ont été plus honorés que jamais. [309]
En 1804 fut fondée la Société biblique britannique et étrangère.
Elle fut suivie de l’organisation en Europe de plusieurs sociétés
semblables et de sociétés auxiliaires. En 1816 avait lieu la fondation
de la Société biblique américaine et, en 1818, celle de la Société
biblique protestante de Paris. Quand fut organisée la Société biblique
britannique, les saintes Ecritures étaient imprimées en cinquante
langues; depuis, elles l’ont été en plus de huit cents langues et
dialectes 1
.
1. Ecclésiaste 8 :12, 13.
2. Proverbes 1 :29-31.
3. Apocalypse 11 :11.
4. Ésaïe 37 :23; Jérémie 16 :21.
5. Apocalypse 11 :12.
1. Voir Appendice.
250 La Tragédie des Siècles
Au cours des cinquante années qui précédèrent l’année 1792,
on ne s’était guère occupé des missions étrangères. Aucune société
nouvelle ne s’était formée et peu d’églises se préoccupaient d’évangéliser les païens. Mais vers la fin du dix-huitième siècle, un grand
changement se produisit. On se lassa du rationalisme et l’on commença à éprouver le besoin d’une révélation divine et d’une religion
expérimentale. A partir de cette époque, l’œuvre des missions a pris
un développement sans précédent 1
.
Les progrès dans l’art de l’imprimerie ont très sensiblement aidé
à la propagation des saintes Ecritures. Les facilités de communication d’un pays à l’autre, la disparition des barrières élevées par
les préjugés et les exclusivismes nationaux, ainsi que la chute du
pouvoir temporel ont frayé la voie à la diffusion de la Parole de
Dieu. Depuis 1871, les saintes Ecritures se vendent sans entrave
dans les rues de Rome et elles se répandent actuellement dans toutes
les régions habitées du globe.
L’incrédule Voltaire disait : “Je suis las d’entendre répéter que
douze hommes ont fondé la religion chrétienne. Je prouverai qu’il
suffit d’un seul homme pour la renverser.” Il y a bientôt deux siècles
que cet écrivain est mort. Des millions de sceptiques se sont joints à
lui dans sa guerre contre les oracles de Dieu. Or, loin d’être extirpés,
[310] là où il y avait cent exemplaires aux jours de Voltaire, il y en a dix
mille, que dis-je ? il y en a cent mille aujourd’hui. Pour parler avec
un réformateur, “les Ecritures sont une enclume qui a déjà usé bien
des marteaux”. Le Seigneur ajoute : “Toute arme forgée contre toi
sera sans effet; et toute langue qui s’élèvera en justice contre toi, tu
la condamneras 1
.”
“La Parole de notre Dieu subsiste éternellement.” “Les œuvres
de ses mains sont fidélité et justice; toutes ses ordonnances sont
véritables, affermies pour l’éternité, faites avec fidélité et droiture 2
.”
Ce qui est édifié sur l’autorité humaine tombera; mais ce qui repose
sur le rocher immuable de la Parole de Dieu subsistera éternellement.
* * * * *
[311]
1. Voir Appendice.
1. Ésaïe 54 :17.
2. Ésaïe 40 :18; Psaumes 111 :7, 8.
après être citoyen du Royaume de Dieu et son Christ Yehshua
La Bible et la Révolution française
Au seizième siècle, une Bible ouverte à la main, la Réforme
avait frappé à la porte de tous les pays d’Europe. Certaines nations
l’avaient accueillie comme une messagère céleste. D’autres, influencées par la papauté, lui avaient en grande partie fermé l’accès de
leur territoire, qui resta ainsi presque totalement privé de la connaissance et de l’influence bienfaisante de la Parole de Dieu. Parmi ces
derniers, il faut ranger la France, où la lumière pénétra de bonne
heure, où, des siècles durant, la vérité et l’erreur furent aux prises,
et où le mal finit par triompher et la lumière céleste par être bannie.
“La lumière étant venue dans le monde, les hommes ont préféré
les ténèbres à la lumière 1
.” Aussi la nation française tout entière
a-t-elle récolté les fruits de ses semailles. La puissance protectrice de
l’Esprit de Dieu ayant cessé d’entourer un peuple qui avait méprisé
[286] le don de sa grâce, les ferments du mal sont parvenus à maturité, et
le monde a pu contempler les résultats auxquels on s’expose volontairement lorsqu’on ferme sa porte au Prince de la Paix et à la pure
lumière de son Evangile.
La guerre faite à l’Evangile sur le sol de France atteignit son
point culminant sous la Révolution. Cet effroyable bouleversement
fut la conséquence naturelle de la suppression de la Parole de Dieu 1
.
Il est la démonstration la plus frappante de l’aboutissement auquel
peut arriver une nation après plus d’un millénaire passé à l’école de
l’église de Rome.
La suppression des saintes Ecritures durant la période de la
suprématie papale avait été prédite par les prophéties; d’autre part,
l’Apocalypse avait annoncé les terribles résultats qu’aurait, pour la
France en particulier, la domination de “l’homme de péché”.
“[Les nations] fouleront aux pieds la ville sainte pendant
quarante-deux mois, avait dit saint Jean. Je donnerai à mes deux témoins le pouvoir de prophétiser, revêtus de sacs, pendant mille deux
1. Jean 3 :19.
1. Voir Appendice.
230
Chapiter 15 — La Bible et la Révolution française 231
cent soixante jours. ... Quand ils auront achevé leur témoignage,
la bête qui monte de l’abîme leur fera la guerre, les vaincra, et les
tuera. Et leurs cadavres seront sur la place de la grande ville, qui est
appelée, dans un sens spirituel, Sodome et Egypte, là même où leur
Seigneur a été crucifié. ... Et à cause d’eux les habitants de la terre se
réjouiront et seront dans l’allégresse, et ils s’enverront des présents
les uns aux autres, parce que ces deux prophètes ont tourmenté les
habitants de la terre. Après les trois jours et demi, un esprit de vie,
venant de Dieu, entra en eux, et ils se tinrent sur leurs pieds; et une
grande crainte s’empara de ceux qui les voyaient 2
.”
Les périodes “quarante-deux mois” et “mille deux cent soixante
jours” mentionnées dans ce passage sont un seul et même laps de [287]
temps, à savoir celui pendant lequel l’Eglise de Dieu devait être
opprimée par celle de Rome. Les mille deux cent soixante années
de la suprématie papale commencèrent en l’an 538 de notre ère,
et devaient par conséquent se terminer en 1798 1
. A cette dernière
date, une armée française entra dans Rome, s’empara du pape et le
conduisit en exil à Valence, où il mourut. On ne tarda pas à élire un
nouveau pape, mais la Curie fut incapable de rétablir son ancienne
puissance.
Cependant la persécution des fidèles disciples du Sauveur ne
dura pas jusqu’à la fin de la période des mille deux cent soixante
années. Dans sa miséricorde envers son peuple, Dieu abrégea la
durée de cette cruelle épreuve. En prédisant la “grande affliction”
qui allait être le lot de son Eglise, le Sauveur avait dit : “Et si ces
jours n’étaient abrégés, personne ne serait sauvé; mais, à cause des
élus, ces jours seront abrégés 2
.” Grâce à l’influence de la Réforme,
la persécution prit fin avant 1798.
Au sujet des deux témoins, le prophète ajoute : “Ce sont les deux
oliviers et les deux chandeliers qui se tiennent devant le Seigneur
de la terre.” “Ta Parole, dit le Psalmiste, est une lampe à mes pieds,
et une lumière sur mon sentier 3
.” Les deux témoins représentent
les Ecritures de l’Ancien et du Nouveau Testament. L’un et l’autre
témoignent de l’origine et de la perpétuité de la loi de Dieu. L’un
2. Apocalypse 11 :2-11.
1. Voir Appendice.
2. Matthieu 24 :22.
3. Apocalypse 11 :4 ; Psaumes 119 :105.
232 La Tragédie des Siècles
et l’autre proclament le plan de la Rédemption. Les symboles, les
sacrifices et les prophéties de l’Ancien Testament annoncent un
Sauveur à venir. Les évangiles et les épîtres du Nouveau Testament
nous parlent d’un Sauveur déjà venu, et qui répond exactement aux
symboles et aux prophéties.
“Je donnerai à mes deux témoins, lisons-nous dans l’Apocalypse,
le pouvoir de prophétiser, revêtus de sacs, pendant mille deux cent
[288] soixante jours.”
Durant la plus grande partie de cette période, les deux témoins
de Dieu ont connu une période d’obscurité relative. La puissance
papale s’est efforcée de soustraire au peuple la Parole de vérité et de
produire de faux témoins qui en contredisaient le témoignage 1
. Le
temps où les deux témoins prophétisèrent, vêtus de sacs, est celui
où les saintes Ecritures étaient proscrites par les autorités civiles et
religieuses, où leur témoignage était falsifié, où l’effort réuni des
hommes et des démons tendait à en détourner les esprits, où ceux
qui osaient en proclamer les vérités sacrées étaient traqués, ensevelis
dans des cachots, torturés, martyrisés pour leur foi ou obligés d’aller
demander une retraite aux forteresses de la nature, aux rochers et aux
antres de la terre; c’est alors que les deux témoins “prophétisèrent
vêtus de sacs”. Ce ministère, ils le poursuivirent pendant toute la
période des mille deux cent soixante années. Aux époques les plus
sombres, il y eut des hommes fidèles qui aimaient la Parole de Dieu
et qui, jaloux de sa gloire, reçurent de son Auteur sagesse, puissance
et autorité pour annoncer la vérité.
“Si quelqu’un veut leur faire du mal, du feu sort de leur bouche
et dévore leurs ennemis; et si quelqu’un veut leur faire du mal, il
faut qu’il soit tué de cette manière 2
.” Ce n’est jamais impunément
qu’on foule aux pieds la Parole de Dieu. Le sens de cette terrible
sentence est donné dans le dernier chapitre de l’Apocalypse : “Je le
déclare à quiconque entend les paroles de la prophétie de ce livre : Si
quelqu’un y ajoute quelque chose, Dieu le frappera des fléaux décrits
dans ce livre; et si quelqu’un retranche quelque chose des paroles
du livre de cette prophétie, Dieu retranchera sa part de l’arbre de la
vie et de la ville sainte, décrits dans ce livre 3
.”
1. Voir Appendice.
2. Apocalypse 11 :5.
3. Apocalypse 22 :18, 19.
Chapiter 15 — La Bible et la Révolution française 233
Tels sont les avertissements que Dieu nous donne pour nous
mettre en garde contre la tentation d’apporter la moindre altération [289]
à ce qu’il a révélé ou ordonné. Ces solennelles instructions s’appliquent à tous ceux dont l’influence pousse les hommes à faire peu
de cas de la loi divine. Elles devraient faire trembler ceux qui traitent
à la légère l’obéissance aux saints commandements de Dieu. Tous
ceux qui mettent leurs opinions au-dessus de la révélation divine, qui
altèrent le sens clair et évident des Ecritures en vue de se procurer un
avantage particulier ou afin de se conformer au monde, prennent sur
eux une redoutable responsabilité. Le critère qui servira à éprouver
tous les hommes, c’est la Parole écrite, la sainte loi de Dieu; tous
ceux que ce code infaillible déclarera coupables seront condamnés.
“Quand ils auront achevé [ou seront sur le point d’achever 1
] leur
témoignage, la bête qui monte de l’abîme leur fera la guerre, les
vaincra et les tuera.”
La période pendant laquelle les deux témoins devaient rendre
leur témoignage revêtus de sacs se termina en 1798. Vers la fin de
leur ministère exercé dans l’ombre, la puissance représentée par
la “bête qui monte de l’abîme” allait leur faire la guerre. Durant
des siècles, les autorités civiles et ecclésiastiques de plusieurs Etats
européens avaient été, par l’intermédiaire de la papauté, dirigées
par Satan. Mais ici on assiste à une nouvelle manifestation de sa
puissance.
Sous prétexte d’une grande vénération pour les saintes Ecritures,
la tactique constante de Rome avait été de les tenir scellées dans une
langue inconnue, et de les mettre ainsi hors de la portée du peuple.
Sous cette domination, les deux témoins avaient prophétisé vêtus de
sacs. Mais un nouveau pouvoir — la “bête qui monte de l’abîme” —
devait surgir et livrer une guerre ouverte à la Parole de Dieu. [290]
“Et leurs cadavres seront sur la place de la grande ville, qui est
appelée, dans un sens spirituel, Sodome et Egypte, là même où leur
Seigneur a été crucifié.”
La “grande ville” dans les rues de laquelle les deux témoins sont
tués, et où gisent leurs cadavres, “est appelée, dans un sens spirituel, ... Egypte”. De toutes les nations dont l’Ecriture nous rapporte
l’histoire, c’est l’Egypte qui a le plus effrontément nié l’existence de
1. Trad. littérale. Voir Emphatic Diaglott.
234 La Tragédie des Siècles
Dieu et foulé aux pieds ses commandements. Aucun monarque ne
s’était jamais révolté plus audacieusement contre l’autorité du ciel
que le pharaon d’Egypte. Quand Moïse lui apporta un message de la
part de Dieu, il lui répondit avec hauteur : “Qui est l’Eternel, pour
que j’obéisse à sa voix, en laissant aller Israël ? Je ne connais point
l’Eternel, et je ne laisserai point aller Israël 1
.” Tel est le langage de
l’athéisme. Or, la nation représentée ici par l’Egypte devait également refuser de reconnaître les droits du Dieu vivant; elle devait faire
preuve d’une incrédulité semblable, et défier de la même façon le
Créateur des cieux et de la terre. La “grande ville” est aussi appelée,
“dans un sens spirituel, Sodome”. La corruption de Sodome se manifestait plus spécialement par sa luxure. Ce péché devait également
caractériser la nation qui allait accomplir cette prophétie.
Il ressort donc des paroles du prophète que, peu avant l’an 1798,
un gouvernement sortant de “l’abîme” devait s’élever pour faire la
guerre à la Parole de Dieu. Dans le pays où les deux témoins allaient
être réduits au silence, on devait voir s’étaler l’athéisme de Pharaon
et la luxure de Sodome.
Cette prophétie a reçu l’accomplissement le plus frappant dans
l’histoire de la France. Au cours de la Révolution, en 1793, “le
monde vit pour la première fois une assemblée d’hommes nés et
[291] élevés en pays civilisé, et s’arrogeant le droit de gouverner la nation
la plus policée de l’Europe, s’unir pour renier unanimement la vérité
la plus haute qui soit accessible à l’homme : la foi en la divinité
et en son culte 1
”. “La France est la seule nation du monde qui ait
officiellement osé lever la main contre l’Auteur de l’univers. Il y a
eu, et il y a encore, bon nombre de blasphémateurs et d’incrédules
en Angleterre, en Allemagne, en Espagne et ailleurs; mais la France
occupe une place à part dans les annales de l’humanité, étant le seul
Etat qui, par une décision de son assemblée législative, ait déclaré
l’inexistence de Dieu, et dont la vaste majorité de sa population, tant
dans la capitale qu’en province, ait accueilli cette nouvelle par des
danses et des chants de joie 1
.”
A la même époque, la France manifesta aussi le caractère de
Sodome. Au cours de la Révolution, on put constater un état de
1. Exode 5 :2.
1. Voir Appendice.
1. Voir Appendice.
Chapiter 15 — La Bible et la Révolution française 235
corruption analogue à celui qui attira la colère de Dieu sur cette ville
coupable de l’antiquité. L’histoire, comme la prophétie, établit un
rapport entre l’athéisme et l’impudicité. “En relation intime avec
les lois contre la religion se trouvait celle qui attaquait le mariage.
L’engagement le plus sacré existant entre deux êtres humains, et
dont la permanence est indispensable à la conservation de la société,
était réduit à l’état de simple contrat civil de nature transitoire, et
que deux personnes peuvent contracter et rompre à volonté. ... Si
des ennemis de la société s’étaient imposé la tâche de détruire tout
ce qu’il y a de gracieux, de vénérable et de constant dans la vie
domestique par un mal qui se perpétuât de génération en génération,
ils n’auraient rien pu trouver de plus efficace que la dégradation du
mariage. ... Sophie Arnould, actrice célèbre par son esprit, appelait
l’union libre “le sacrement de l’adultère”.
“Où leur Seigneur a été crucifié”, dit la prophétie. Ce détail
prophétique s’était également réalisé. Aucun pays — au cours de [292]
son histoire — n’avait manifesté autant d’inimitié que la France
contre Jésus-Christ, contre sa Parole et contre ses vrais disciples.
Par les persécutions qu’elle avait fait subir au cours des siècles aux
confesseurs de l’Evangile, elle avait réellement “crucifié le Seigneur”
dans la personne de ses disciples.
Siècle après siècle, le sang des saints avait coulé à flots. Pendant que les Vaudois, dans les montagnes du Piémont, donnaient
leur vie pour “la Parole de Dieu et le témoignage de Jésus”, les
Albigeois faisaient, en France, le même sacrifice et pour la même
cause. Aux jours de la Réforme, les Huguenots avaient également
versé leur sang pour conserver ce qu’il y a de plus cher au cœur
humain : la conscience. Traités en parias, ils avaient vu leur tête
mise à prix. Pourchassés comme des fauves, ils avaient subi la mort
après d’affreuses tortures. Le roi et les nobles, des femmes de haute
naissance et de délicates jeunes filles s’étaient rassasiés du spectacle
de l’agonie des martyrs de Jésus.
Ceux de leurs descendants qui restaient encore en France au
dix-huitième siècle se cachaient dans les montagnes du Midi, et là,
sous le nom d’“Eglise du Désert”, ils conservaient la foi de leurs
pères. Quand ils osaient se réunir de nuit sur le flanc des montagnes
ou dans les landes désertes, c’était au risque d’être traqués par les
dragons du roi et condamnés à une vie d’esclavage sur les galères.
236 La Tragédie des Siècles
Les hommes les plus purs, les plus nobles et les plus distingués
de France vivaient dans les chaînes, ou exposés aux plus horribles
tortures dans la promiscuité des bandits et des assassins. Plus humainement traités étaient ceux qui, sans armes et sans défense, tombant
à genoux et se recommandant à Dieu, étaient fusillés de sang-froid.
Des centaines de vieillards, de femmes inoffensives et d’enfants
innocents, surpris en pleine assemblée, étaient laissés inanimés sur
les lieux. En parcourant le versant des montagnes où ces infortunés
[293] chrétiens avaient coutume de se réunir, on voyait souvent, “tous les
quatre pas, des corps morts qui jonchaient le chemin et des cadavres
suspendus aux arbres”. Leur pays, dévasté par l’épée, la hache et le
bûcher, fut transformé en un vaste et lugubre désert. “Ces atrocités
se perpétraient non pas en un temps de ténèbres et d’ignorance, mais
dans le siècle poli de Louis XIV, siècle où les arts et les sciences
étaient cultivés, où les lettres florissaient et où les théologiens de la
cour et de la capitale, savants et éloquents, se paraient des grâces de
la douceur et de la charité 1
.”
Mais le plus noir des forfaits, le plus atroce des crimes enregistrés
par l’histoire, fut le massacre de la Saint-Barthélemy. Le monde
frémit encore d’horreur au souvenir de ce lâche et cruel attentat. Sous
la pression des dignitaires de l’Eglise, ce crime fut autorisé par le
roi de France. Une cloche de l’église de Saint-Germain-l’Auxerrois,
retentissant dans le silence de la nuit, donna le signal de la tuerie.
Des milliers de protestants qui, comptant sur la parole d’honneur
de leur roi, reposaient tranquillement dans leurs lits, furent assaillis
dans leurs demeures et massacrés.
De même que le Christ avait été le Conducteur invisible de son
peuple lorsqu’il l’arracha à l’esclavage de l’Egypte, de même Satan
fut le chef invisible de ses sujets dans cet horrible égorgement qui
se poursuivit dans Paris sept jours durant, les trois premiers avec
une indicible fureur. Mais cette œuvre de mort ne se borna pas à la
capitale : par ordre du roi, elle s’étendit à toutes les provinces et à
toutes les villes où vivaient des protestants. On n’eut égard ni à l’âge
ni au sexe. On n’épargna ni l’enfant à la mamelle, ni le vieillard aux
cheveux blancs. Nobles et paysans, jeunes et vieux, mères et enfants,
tous étaient également immolés. Le massacre dura deux mois entiers
1. Voir Appendice.
Chapiter 15 — La Bible et la Révolution française 237
dans toutes les parties de la France. Soixante-dix mille âmes environ,
la fleur de la nation, périrent. [294]
“Quand la nouvelle de ce crime parvint à Rome, la joie du clergé
ne connut pas de bornes. Le cardinal de Lorraine récompensa le
messager d’un don de mille couronnes; le canon de Saint-Ange
se fit entendre en signe de joyeux salut; les cloches de toutes les
églises sonnèrent à toute volée; les feux de joie transformèrent
la nuit en jour; et Grégoire XIII, accompagné des cardinaux et
d’autres dignitaires ecclésiastiques, se rendit en procession à l’église
de Saint-Louis, où le cardinal de Lorraine chanta le Te Deum. ...
Une médaille fut frappée pour commémorer l’événement. Le pape
Grégoire envoya la Rose d’or à Charles IX et, quatre mois après, ... il
écoutait complaisamment le sermon d’un prêtre français célébrant ce
jour de joie et d’allégresse où le Saint-Père reçut l’heureuse nouvelle,
et alla solennellement en rendre grâces à Dieu et à Saint Louis 1
.” On
peut encore voir au Vatican les trois fresques de Vasari représentant
le meurtre de Coligny, le roi décidant le massacre en conseil, et le
massacre lui-même.
L’esprit infernal qui poussa à la Saint-Barthélemy présida aussi
aux scènes de la Révolution. Jésus-Christ y fut déclaré un imposteur,
et le cri de ralliement des incrédules qui le désignaient était : “Ecrasons l’infâme 1
.” Le blasphème et la luxure marchaient de pair; des
hommes abjects, des monstres de cruauté et de vice étaient comblés
d’honneur : hommage suprême rendu à Satan, tandis que JésusChrist, la personnification de la vérité, de la pureté et de l’amour
désintéressé, était crucifié à nouveau.
“La bête qui monte de l’abîme leur fera la guerre; elle les vaincra
et les tuera.”
Comme on vient de le voir, la puissance athée qui gouverna la
France sous la Révolution et le règne de la Terreur livra en effet
à Dieu et à sa Parole une guerre sans précédent dans l’histoire.
L’Assemblée nationale abolit le culte de la divinité. Les exemplaires [295]
de la sainte Ecriture furent ramassés et brûlés publiquement avec
toutes les marques du mépris. La loi de Dieu était foulée aux pieds.
La célébration publique du culte chrétien, du baptême et de la cène
1. Voir Appendice.
1. Voir Appendice.
238 La Tragédie des Siècles
fut interdite; le repos hebdomadaire fut supprimé et remplacé par
le décadi. Des inscriptions placées bien en vue sur les cimetières
déclaraient que la mort est un sommeil éternel.
On affirmait que, loin d’être “le commencement de la sagesse”,
la crainte de Dieu était le commencement de la folie. Tout culte religieux, sauf celui de la liberté et de la patrie, fut prohibé. “L’évêque
constitutionnel de Paris eut le principal rôle dans une comédie impudente et scandaleuse qui fut jouée en présence de l’Assemblée
nationale. ... Il vint, recouvert de ses ornements sacerdotaux, pour
déclarer à la barre de la Convention que la religion qu’il avait enseignée tant d’années avait été inventée de toutes pièces par les prêtres
et qu’elle n’avait aucun fondement ni dans l’histoire ni dans la vérité
sacrée. Dans les termes les plus solennels et les plus explicites, il
nia l’existence de la divinité dont il avait été le prêtre, annonçant
qu’il allait désormais dédier sa vie au culte de la liberté, de l’égalité,
de la vertu et de la morale. Il déposa alors devant l’Assemblée ses
insignes épiscopaux et reçut du président de la Convention l’accolade fraternelle. Plusieurs prêtres apostats suivirent l’exemple de ce
prélat 1
.”
“Et à cause d’eux les habitants de la terre se réjouiront et seront
dans l’allégresse, et ils s’enverront des présents les uns aux autres,
parce que ces deux prophètes ont tourmenté les habitants de la terre.”
La France avait réduit au silence la voix de ces deux témoins. La
Parole de vérité, étendue comme un cadavre dans ses rues, mettait
dans la joie ceux qui haïssaient les restrictions et les exigences de
[296] la loi divine. On outrageait publiquement le Dieu du ciel. Comme
certains pécheurs d’autrefois, on s’écriait : “Comment Dieu sauraitil, comment le Très-Haut connaîtrait-il 1
?”
Avec une hardiesse dans le blasphème dépassant presque toute
conception, un prêtre du nouvel ordre s’écriait : “Dieu, si tu existes,
venge les injures faites à ton nom. Je te défie ! ... Tu gardes le silence.
... Tu n’oses pas lancer les éclats de ton tonnerre ! ... Qui, après
ceci, croira encore à ton existence 2
?” Echo frappant des paroles
de Pharaon : “Qui est l’Eternel pour que j’obéisse à sa voix ? Je ne
connais pas l’Eternel !”
1. Voir Appendice.
1. Psaumes 73 :11.
2. Lacretelle, Histoire 11 :309. Cité dans Alison’s History of Europe, vol. I, chap. X.
Chapiter 15 — La Bible et la Révolution française 239
“L’insensé dit en son cœur : Il n’y a point de Dieu 3
.” De ceux
qui pervertissent la vérité, il est dit : “Leur folie sera manifeste pour
tous 4
.” Quand la foule eut répudié le culte du Dieu vivant, de celui
“dont la demeure est éternelle”, elle ne tarda pas à glisser dans une
idolâtrie dégradante. En la personne d’une comédienne, le culte de
la Raison fut inauguré sous les auspices de l’Assemblée nationale et
des autorités civiles et législatives.
“Les portes de la Convention s’ouvrirent toutes grandes pour
livrer passage à une bande de musiciens, à la suite de laquelle les
membres du Conseil municipal entrèrent en procession solennelle,
chantant un hymne à la liberté et escortant, comme objet de leur culte
futur, une femme voilée dénommée la déesse Raison. Dès qu’elle
se trouva dans l’enceinte, on la dépouilla solennellement de son
voile, et elle prit place à la droite du président. On reconnut alors
une actrice de l’Opéra. C’est à cette femme, considérée comme le
meilleur emblème de la raison, qu’allèrent les hommages publics de
la Convention nationale.
”Cette cérémonie impie et ridicule eut une certaine vogue; l’instauration de la déesse Raison fut renouvelée et imitée dans toutes [297]
les parties de la France où l’on voulut se montrer à la hauteur de la
Révolution 1
.”
Chaumette introduisit le culte de la Raison en ces termes : “Législateurs, le fanatisme a cédé la place à la Raison. Ses yeux louches
n’ont pu soutenir l’éclat de la lumière. Aujourd’hui, un peuple immense s’est porté sous ces voûtes gothiques où, pour la première
fois, on a entendu la vérité. Là, les Français ont célébré le seul vrai
culte, celui de la liberté, celui de la raison. Là, nous avons formé
des vœux pour la prospérité des armes de la République. Là, nous
avons échangé des idoles inanimées pour la Raison, pour cette image
animée, le chef-d’œuvre de la nature 2
.”
Lorsque la déesse fut amenée devant la Convention, le président
la prit par la main et dit en se tournant vers l’Assemblée : “Mortels,
cessez de trembler devant le Dieu que vos prêtres ont créé. Ne
reconnaissez plus désormais d’autre divinité que la Raison. Je vous
3. Psaumes 14 :1.
4. 2 Timothée 3 :9.
1. Voir Appendice.
2. Thiers, Hist. de la Révolution française, liv. 1, p. 260.
240 La Tragédie des Siècles
présente sa plus noble et sa plus pure image; s’il vous faut des
idoles, n’apportez plus vos hommages qu’à celle-ci. ... Tombe devant
l’auguste Sénat de la Liberté, ô voile de la Raison ! ...
”Après avoir reçu l’accolade du président, l’idole, montée sur un
char magnifique, fut conduite, au milieu d’un immense concours de
peuple, à la cathédrale Notre-Dame pour y figurer la divinité. Placée
sur un autel élevé, elle reçut les adorations de tous les spectateurs 3
.”
Cette cérémonie fut suivie d’un autodafé de livres pieux, y compris la Bible. “La Société populaire de la section du Musée entra au
Conseil en criant : Vive la Raison ! et, portant au bout d’un bâton
les restes d’un livre encore fumant, elle annonce que les bréviaires,
les missels, les heures, les oraisons de Sainte-Brigitte, l’Ancien et
[298] le Nouveau Testament ont expié, dans un grand feu, sur la place du
Temple de la Raison, toutes les sottises qu’ils ont fait commettre à
l’espèce humaine 1
.”
Le papisme avait commencé le travail qu’achevait l’athéisme.
Les leçons de Rome avaient entraîné la France dans une crise sociale,
politique et religieuse qui la précipitait vers la ruine. En parlant des
horreurs de la Révolution, certains auteurs en jettent la responsabilité
à la fois sur le Trône et sur l’Eglise 2
. En toute justice, ces excès
doivent être attribués à l’Eglise, qui avait empoisonné l’esprit des rois
au sujet de la Réforme, qualifiée par elle d’ennemie de la couronne et
d’élément de discorde fatal à la paix de la nation. Le génie de Rome
avait inspiré les cruautés inouïes et la terrible oppression exercées
par l’autorité royale.
En revanche, l’esprit de liberté avait marché de pair avec la Parole
de Dieu. Partout où l’Evangile avait été reçu, les yeux s’étaient
ouverts. Les chaînes de l’ignorance, du vice et de la superstition, le
plus avilissant des esclavages, avaient été brisées. ... On s’était mis à
penser et à agir en hommes. Ce que voyant, les monarques avaient
tremblé pour leur despotisme et Rome s’était empressée d’attiser
leurs craintes jalouses. En 1525, le pape disait au régent de France :
“Cette forcènerie [le protestantisme] ne se contentera pas de brouiller
la religion et de la détruire, mais aussi principautés, lois, ordres et
3. Alison, vol. I, chap. X.
1. Journal de Paris, 1793, n0 318. Cité par Buchez-Roux, vol. XXX, p. 200, 201.
2. Voir Appendice.
Chapiter 15 — La Bible et la Révolution française 241
même rangs 3
.” Quelques années plus tard, le nonce du pape donnait
au roi cet avertissement : “Sire, ne vous y trompez pas, les protestants
porteront atteinte à l’ordre civil comme à l’ordre religieux. Le trône
est en danger tout autant que l’autel. L’introduction d’une religion
nouvelle doit entraîner nécessairement un gouvernement nouveau 4
.”
Et les théologiens de faire appel aux préjugés populaires en déclarant
que la doctrine protestante “entraîne les hommes vers des nouveautés [299]
et des folies; qu’elle prive le roi de l’affection de ses sujets et dévaste
à la fois l’Eglise et l’Etat”. C’est ainsi que Rome avait réussi à dresser
la France contre la Réforme.
Les enseignements des Ecritures auraient au contraire implanté
dans les esprits et les cœurs des principes de justice, de tempérance,
de vérité, d’équité et de bienveillance, principes qui sont la pierre
angulaire de la prospérité nationale. “La justice élève une nation.”
“C’est par la justice que le trône s’affermit.” “L’œuvre de la justice
sera la paix, et le fruit de la justice le repos et la sécurité pour toujours 1
.” Celui qui est soumis à la loi divine ne faillira pas non plus au
respect des lois de son pays. Celui qui craint Dieu “honorera le roi”
dans l’exercice de ses attributions justes et légitimes. Les dirigeants
de la France ne se doutaient guère, hélas ! des conséquences de leur
fatale politique lorsqu’ils prohibèrent les Ecritures et bannirent ses
disciples, lorsque, siècle après siècle, des hommes intègres, éclairés,
consciencieux, ayant le courage de leurs convictions et la foi qui
consent à souffrir pour la vérité, avaient été condamnés aux galères,
consumés sur les bûchers ou enterrés vifs dans de sombres cachots.
Des myriades d’autres avaient cherché leur salut en passant à l’étranger. Et cela dura deux cent cinquante ans à partir des débuts de la
Réforme !
“Il n’y eut peut-être pas une génération de Français, au cours
de cette longue période, qui ne fût témoin de la fuite éperdue des
disciples de l’Evangile devant la fureur de leurs persécuteurs. Emportant avec eux leurs arts et leurs industries (dans lesquels ils excellaient généralement), leur intelligence et leur esprit d’ordre, ils
allèrent, au détriment de la France, enrichir les pays qui leur donnaient asile.
3. G. de Félice, Hist. des Protestants de France (6e éd.), liv. I, chap. II, p. 28.
4. Merle d’Aubigné, Hist. de la Réformation au temps de Calvin, liv. II, chap. XXXVI.
1. Proverbes 14 :34; 16 :12 ; Ésaïe 32 :17.
242 La Tragédie des Siècles
”Si, au cours de ces trois siècles, la main active de ces exilés
[300] avait cultivé le sol national; si leurs talents industriels avaient perfectionné ses usines; si leur génie créateur avait enrichi sa littérature
et cultivé ses sciences; si leur sagesse avait dirigé ses conseils; si
leur bravoure s’était donné libre carrière sur ses champs de bataille;
si leur équité avait rédigé ses lois et si la religion de l’Evangile avait
formé les consciences, quelle ne serait pas, aujourd’hui, la gloire de
la France ! Grande, prospère, heureuse, elle eût servi de modèle à
tous les peuples de la terre !
”Au lieu de cela, un fanatisme aveugle et inexorable chassait
du sol français les maîtres de la vertu, les champions de l’ordre et
les vrais soutiens du trône. En disant aux hommes qui auraient pu
assurer la gloire de leur patrie : Vous avez le choix entre l’exil et le
bûcher, on consomma la ruine de l’Etat. Et comme il ne resta plus
de conscience à proscrire, plus de religion à traîner sur la roue, plus
de patriotisme à exiler, on eut la Révolution et ses horreurs.
”La fuite des Huguenots avait été suivie en France d’une décadence générale. Des villes industrielles florissantes tombèrent à
rien; des régions fertiles demeurèrent en friche. A une période de
progrès sans précédent succédèrent le marasme intellectuel et le
déclin moral. Paris devint une vaste aumônerie où deux cent mille
personnes, au moment de la Révolution, attendaient leur subsistance
des largesses royales. Seuls, au sein de la décadence, les Jésuites
prospéraient et faisaient peser le joug de leur tyrannie sur les Eglises,
sur les écoles, dans les prisons et sur les galères.”
L’Evangile aurait apporté à la France la solution des problèmes
politiques et sociaux qui déjouaient l’habileté de son clergé, de
son roi et de ses législateurs et qui finirent par plonger le pays
dans l’anarchie et la ruine. Malheureusement, sous la tutelle de
Rome, le peuple avait oublié les enseignements bénis du Sauveur
se résumant dans l’amour du prochain. On l’avait détourné de la
voie du désintéressement. On n’avait pas censuré le riche opprimant
[301] le pauvre ni secouru le pauvre dans sa servitude et sa dégradation.
L’égoïsme du riche et du puissant était devenu de plus en plus dur et
cruel. Depuis des siècles, une noblesse prodigue et dissolue écrasait
le paysan; le riche pillait le pauvre et chez le pauvre la haine allait
en grandissant.
Chapiter 15 — La Bible et la Révolution française 243
Dans plusieurs provinces, les nobles étaient seuls propriétaires
fonciers, et la classe laborieuse, à la merci des propriétaires, était
soumise aux exigences les plus exorbitantes. Accablées d’impôts par
les autorités civiles et par le clergé, la classe moyenne et la classe
ouvrière étaient chargées d’entretenir à la fois l’Eglise et l’Etat. “Le
bon plaisir des nobles était considéré comme la loi suprême; les
fermiers et les paysans pouvaient mourir de faim : leurs oppresseurs n’en avaient cure. ... Les intérêts exclusifs des propriétaires
devaient toujours passer en premier. La vie du travailleur agricole
était une existence de misère; ses plaintes, si jamais il s’avisait d’en
faire entendre, étaient accueillies avec un superbe mépris. Les tribunaux donnaient toujours raison au noble contre le paysan. Les
juges se laissaient publiquement acheter et les caprices des aristocrates avaient force de loi. En vertu de ce système, la corruption
était générale. Des impôts arrachés au peuple, la moitié à peine trouvait le chemin du trésor royal ou épiscopal; le reste était gaspillé.
Et les hommes qui appauvrissaient ainsi leurs concitoyens étaient
eux-mêmes exempts d’impôts et avaient droit, de par la loi ou la
coutume, à toutes les charges de l’Etat. La Cour vivait dans le luxe
et la dissipation. Les classes privilégiées comptaient cent cinquante
mille membres et, pour suffire à leur gaspillage, des millions de
leurs concitoyens étaient condamnés à une vie de dégradation sans
issue 1
.”
La cour se livrait au luxe et à la dissipation. Toutes les mesures
du gouvernement étaient considérées avec méfiance par les administrés. Avec une aristocratie endurcie et corrompue, avec des classes [302]
inférieures indigentes et ignorantes, avec des finances obérées et
un peuple exaspéré, il n’était pas nécessaire d’être prophète pour
prédire ce qui devait arriver. En ces temps de relâchement, Louis
XV se signala pendant plus d’un demi-siècle par son indolence, sa
frivolité et sa sensualité. C’était en vain qu’on le pressait de faire
des réformes. S’il voyait le mal, il n’avait ni le courage ni le pouvoir d’y parer. Aux avertissements de ses conseillers, il répondait
invariablement : “Tâchez de faire durer les choses aussi longtemps
que je vivrai. Après ma mort, il arrivera ce qu’il pourra.” Il ne pré1. Voir Appendice.
244 La Tragédie des Siècles
disait que trop bien le sort qui attendait la France par cette parole
souverainement égoïste : “Après moi le déluge !”
En jouant sur la jalousie des rois et des classes dirigeantes, Rome
les avait poussés à maintenir le peuple dans un état de servitude,
sachant très bien qu’en affaiblissant l’Etat, elle affermissait d’autant
son ascendant sur la nation entière. Sa politique clairvoyante lui
enseignait que, pour asservir les peuples, il faut enchaîner les âmes et
leur ôter toute velléité de liberté. Or la dégradation morale résultant
de cette politique était mille fois plus lamentable que les souffrances
physiques. Privé du pur Evangile, saturé de fanatisme, le peuple était
plongé dans l’ignorance, la superstition et le vice, et, par conséquent,
il ne savait pas se gouverner.
Tel était le plan de Rome. Mais le dénouement fut tout autre. Au
lieu de retenir les foules dans une aveugle soumission à ses dogmes,
elle avait fait des incrédules et des révolutionnaires. Considéré par
le peuple comme inféodé aux oppresseurs, le romanisme récolta sa
haine. Le seul dieu, la seule religion que l’on connût étant le dieu
de Rome et les enseignements de Rome, on considéra l’avarice et la
cruauté de l’Eglise comme les fruits légitimes de l’Evangile et l’on
ne voulut plus en entendre parler.
Rome ayant dénaturé le caractère de Dieu et perverti ses exi-
[303] gences, on rejeta et la Bible et son Auteur. Au nom des Ecritures,
la papauté avait exigé une foi aveugle en ses dogmes. Par réaction,
Voltaire et ses collaborateurs rejetèrent entièrement la Parole divine
et semèrent à pleines mains le poison de l’incrédulité, Rome avait
écrasé le peuple sous son talon de fer et maintenant, dans leur horreur
de la tyrannie, les masses dégradées et brutalisées rejetaient toute
contrainte. Furieux d’avoir trop longtemps rendu hommage à une
brillante fiction, le peuple rejeta également la vérité et le mensonge.
Confondant la liberté avec la licence, les esclaves du vice exultèrent
dans leur liberté imaginaire.
Au commencement de la Révolution, par concession royale, le
peuple obtint aux Etats généraux une représentation supérieure en
nombre à celles du clergé et de la noblesse. La majorité gouvernementale se trouvait donc entre ses mains; mais il n’était pas en
état d’en user avec sagesse et modération. Dans sa hâte de redresser
les torts dont elle avait souffert, une populace aigrie par la souffrance et par le souvenir des vieilles injustices entreprit aussitôt de
Chapiter 15 — La Bible et la Révolution française 245
reconstruire la société et de se venger des auteurs de son dénuement.
Mettant à profit les leçons qu’on leur avait données, les opprimés
devinrent les oppresseurs de leurs tyrans.
Malheureuse France ! Elle récoltait dans le sang la moisson de
ses semailles et buvait au calice amer de sa soumission à la puissance
de Rome. C’est sur l’emplacement même où, sous l’influence du
clergé, avait été élevé le premier bûcher à l’intention des réformés
que la Révolution dressa la première guillotine. C’est à l’endroit
même où, au seizième siècle, les premiers martyrs de la foi réformée avaient été brûlés, qu’au dix-huitième furent guillotinées les
premières victimes de la vindicte populaire. En rejetant l’Evangile
qui lui eût apporté la guérison, la France avait ouvert toute grande la
porte à l’incrédulité et à la ruine. Le joug des lois divines secoué, on
s’aperçut que les lois de l’homme étaient impuissantes à endiguer la
marée montante des passions humaines, et la nation sombra dans la
révolte et l’anarchie. La guerre à la Parole de Dieu inaugura une ère [304]
connue dans l’histoire sous le nom de “règne de la Terreur”. La paix
et le bonheur furent bannis des foyers et des cœurs. Personne n’était
en sécurité. Celui qui triomphait aujourd’hui était, demain, accusé
et condamné. La violence et la luxure avaient libre cours.
Le roi, le clergé et la noblesse furent livrés aux atrocités d’une
populace en démence. L’exécution du roi excitant la soif de vengeance, les hommes qui avaient décrété sa mort le suivirent bientôt à
la guillotine. Le massacre général de tous ceux qui étaient suspects
d’hostilité à la Révolution fut décidé. Les prisons étaient combles :
à un certain moment, elles n’abritaient pas moins de deux cent mille
captifs. Dans les villes de province, on n’assistait qu’à des scènes
d’horreur. La France était devenue un champ clos où s’affrontaient
des foules en proie à la fureur de leurs passions. “A Paris, où les
tumultes succédaient aux tumultes, les citoyens étaient partagés en
factions ne visant qu’à leur extermination mutuelle. Pour comble de
malheur, la France avait sur les bras une guerre dévastatrice avec les
grandes puissances. “Le pays était acculé à la faillite; les armées
réclamaient leur solde arriérée; Paris était réduit à la famine; les
provinces étaient ravagées par des brigands, et la civilisation faisait
place à l’anarchie.”
Le peuple, hélas ! n’avait que trop bien retenu les néfastes leçons
de cruauté que Rome lui avait si patiemment enseignées, et le jour
246 La Tragédie des Siècles
des rétributions était enfin venu. Ce n’étaient plus maintenant les
disciples de Jésus qu’on jetait dans les cachots et qu’on entraînait
à l’échafaud. Il y avait longtemps qu’ils avaient été ou égorgés ou
contraints de s’exiler. Rome recevait maintenant les coups mortels
de ceux qu’elle avait habitués à verser, d’un cœur léger, le sang de
leurs frères. “La persécution dont le clergé de France avait donné
l’exemple pendant tant de siècles se retournait maintenant contre lui
avec une redoutable rigueur. Le sang des prêtres ruisselait sur les
[305] échafauds. Les galères et les prisons, autrefois pleines de Huguenots,
se peuplaient maintenant de leurs persécuteurs. Enchaînés à leur
banc et tirant l’aviron, des prêtres expérimentaient à leur tour les
supplices qu’ils avaient si gaiement infligés aux doux hérétiques 1
.”
“Puis vinrent les jours où le plus barbare de tous les codes fut
appliqué par un tribunal plus barbare encore; où nul ne pouvait
saluer son voisin ni faire sa prière sans s’exposer à commettre un
crime capital; où des espions étaient apostés à tous les coins de
rue; où la guillotine fonctionnait avec acharnement toute la matinée;
où les égoûts de Paris emportaient à la Seine des flots de sang
humain...; où des tombereaux parcouraient journellement les rues de
Paris conduisant au lieu d’exécution leurs chargements de victimes;
où les consuls envoyés dans les départements par le Comité de Salut
public se livraient à des orgies de cruauté inconnues même dans
la capitale. Le couperet de la fatale machine montait et retombait
trop lentement pour suffire à sa tâche et de longues files de captifs
étaient fauchées par la mitraille. Pour les noyades en masse, on
défonçait des barques chargées de malheureuses victimes. Lyon
fut réduit en désert. A Arras, on refusa même aux prisonniers la
cruelle miséricorde d’une mort immédiate. Tout le long de la Loire,
de Saumur jusqu’à la mer, de grandes troupes de corbeaux et de
vautours se repaissaient de la chair des cadavres nus, entrelacés dans
de hideuses étreintes. On ne faisait grâce ni au sexe ni à l’âge. Des
jeunes gens et des jeunes filles au-dessous de dix-sept ans étaient
immolés par centaines. Les Jacobins se lançaient d’une pique à
l’autre de petits enfants arrachés au sein maternel 1
.”
1. Voir Appendice.
1. Voir Appendice.
Chapiter 15 — La Bible et la Révolution française 247
Dans le court espace de dix ans, des multitudes d’êtres humains
avaient péri de mort violente. Tout cela était conforme aux désirs du
prince des ténèbres et au but qu’il poursuit de siècle en siècle avec
une invariable fourberie. Son objet est de plonger l’homme, créature
de Dieu, dans la désolation, de le défigurer, de le souiller et par là
de contrister le ciel en entravant les plans de la bienveillance et de [306]
l’amour divins. Cela fait, aveuglant les esprits, il rejette sur Dieu
la responsabilité de son œuvre, qu’il fait passer pour le résultat des
desseins originels du Créateur. Et lorsque ceux qu’il a longtemps
brutalisés et dégradés finissent par secouer leur chaîne, il les pousse
à des excès et à des atrocités que les tyrans et les oppresseurs citent
ensuite comme les conséquences légitimes de la liberté.
Mais il y a plus. Lorsqu’une certaine forme d’erreur est dévoilée,
Satan la présente sous un autre déguisement, qui est reçu par la
multitude avec tout autant de faveur que le précédent. Voyant que le
romanisme était démasqué et qu’il ne pouvait plus s’en servir pour
égarer les foules, l’ennemi les poussa dans l’extrême opposé. On
rejeta toutes les religions comme mensongères et la Parole de Dieu
comme un tissu de fables, pour se livrer sans remords à l’iniquité.
Ce qui attira tant de calamités sur la France, c’est l’ignorance
fatale de cette grande vérité, à savoir que la véritable liberté se
trouve dans l’obéissance à la loi de Dieu. “Oh ! si tu étais attentif
à mes commandements ! Ton bien-être serait comme un fleuve, et
ton bonheur comme les flots de la mer.” “Il n’y a point de paix pour
les méchants, dit l’Eternel.” “Mais celui qui m’écoute reposera avec
assurance, il vivra tranquille et sans craindre aucun mal 1
.”
Les athées, les incrédules et les apostats peuvent repousser et
combattre la loi de Dieu, les résultats de leur œuvre prouvent que
la prospérité de l’homme dépend de l’obéissance aux statuts divins.
Que ceux qui ne veulent pas croire le Livre de Dieu se donnent la
peine de lire ce fait dans l’histoire des nations.
Quand Satan se servait de l’Eglise romaine pour entraîner les
hommes loin du sentier de l’obéissance, sa main était si bien dissimulée qu’on ne voyait pas dans les maux qui en découlaient les [307]
résultats naturels de l’erreur. En outre, sa puissance était à tel point
neutralisée par l’Esprit de Dieu que son système ne pouvait produire
1. Ésaïe 48 :18, 22; Proverbes 1 :33.
248 La Tragédie des Siècles
tous ses fruits. On ne remontait pas des effets à la cause, et on ne
découvrait pas la source des misères publiques. C’est lors de la
Révolution, où la loi de Dieu fut ouvertement supprimée par l’Assemblée nationale, et surtout sous le règne de la Terreur qui suivit,
que chacun put voir les conséquences de l’abandon des préceptes
divins.
Quand la France renia Dieu publiquement et rejeta la Bible,
les impies — comme aussi les démons — exultèrent de voir enfin
la réalisation de leur plus cher désir : un royaume affranchi des
restrictions de la loi de Dieu ! “Parce qu’une sentence contre les
mauvaises actions ne s’exécute pas promptement, le cœur des fils de
l’homme se remplit en eux du désir de faire le mal 1
.” Ils ignorent
que la violation d’une loi juste entraîne nécessairement une pénalité
et que, si le châtiment ne suit pas toujours de près la transgression,
il n’en est pas moins certain. Des siècles d’apostasie et d’iniquité
avaient accumulé “un trésor de colère pour le jour de la colère”;
aussi, une fois la coupe de leur iniquité comblée, les prévaricateurs
et les impies apprirent que lasser la patience divine est une chose
terrible. L’Esprit de Dieu, dont la puissance protectrice imposait
un frein à la cruauté de Satan, s’étant partiellement retiré, l’être
implacable qui trouve ses délices à faire souffrir les hommes put
agir à sa guise. Ceux qui avaient choisi le sentier de la révolte
eurent bientôt l’occasion d’en mesurer les conséquences sur une
terre couverte de forfaits indescriptibles.
“A cette heure-là, il y eut un grand tremblement de terre, et la
dixième partie de la ville [de la grande ville : la chrétienté, à savoir
la France] tomba.”
Des provinces dévastées et des villes ruinées monta, lamentable
[308] et amère, une clameur désespérée. La France était secouée comme
par un “tremblement de terre”. La religion, la loi, l’ordre social,
la famille, l’Eglise et l’Etat, tout était abattu par la main impie qui
s’était levée contre la loi de Dieu. Ces paroles du Sage se justifiaient :
“Le bonheur n’est pas pour le méchant.” “Cependant, quoique le
pécheur fasse cent fois le mal et qu’il y persévère longtemps, je sais
aussi que le bonheur est pour ceux qui craignent Dieu, parce qu’ils
1. Ecclésiaste 8 :11.
Chapiter 15 — La Bible et la Révolution française 249
ont de la crainte devant lui 1
.” “Parce qu’ils ont haï la science, et
qu’ils n’ont pas choisi la crainte de l’Eternel,... ils se nourriront du
fruit de leur voie, et ils se rassasieront de leurs propres conseils 2
.”
Bien qu’immolés par la puissance blasphématrice “qui monte de
l’abîme”, les témoins de Dieu ne devaient pas demeurer longtemps
silencieux. “Après les trois jours et demi, un esprit de vie, venant
de Dieu, entra en eux, et ils se tinrent sur leurs pieds; et une grande
crainte s’empara de ceux qui les voyaient 3
.” C’est en 1793 que l’Assemblée nationale avait décrété l’abolition de la religion chrétienne
et la suppression des saintes Ecritures. Trois ans et demi plus tard,
la même Assemblée rapportait son décret et tolérait ainsi la libre
circulation du Livre saint. Le monde, épouvanté à la vue des débordements qui avaient suivi la répudiation de l’Evangile, reconnut la
nécessité de la foi en Dieu et en sa Parole comme base de la vertu et
de la morale. Cela était écrit : “Qui as-tu insulté et outragé ? Contre
qui as-tu élevé la voix ? Tu as porté tes yeux en haut sur le Saint
d’Israël.” “C’est pourquoi voici, je leur fais connaître, cette fois, je
leur fais connaître ma puissance et ma force; et ils sauront que mon
nom est l’Eternel 4
.”
Le prophète ajoute, au sujet des deux témoins : “Et ils entendirent
du ciel une voix qui leur disait : Montez ici ! Et ils montèrent au ciel
dans la nuée; et leurs ennemis les virent 5
.” Depuis que la France a
fait la guerre aux témoins de Dieu, ils ont été plus honorés que jamais. [309]
En 1804 fut fondée la Société biblique britannique et étrangère.
Elle fut suivie de l’organisation en Europe de plusieurs sociétés
semblables et de sociétés auxiliaires. En 1816 avait lieu la fondation
de la Société biblique américaine et, en 1818, celle de la Société
biblique protestante de Paris. Quand fut organisée la Société biblique
britannique, les saintes Ecritures étaient imprimées en cinquante
langues; depuis, elles l’ont été en plus de huit cents langues et
dialectes 1
.
1. Ecclésiaste 8 :12, 13.
2. Proverbes 1 :29-31.
3. Apocalypse 11 :11.
4. Ésaïe 37 :23; Jérémie 16 :21.
5. Apocalypse 11 :12.
1. Voir Appendice.
250 La Tragédie des Siècles
Au cours des cinquante années qui précédèrent l’année 1792,
on ne s’était guère occupé des missions étrangères. Aucune société
nouvelle ne s’était formée et peu d’églises se préoccupaient d’évangéliser les païens. Mais vers la fin du dix-huitième siècle, un grand
changement se produisit. On se lassa du rationalisme et l’on commença à éprouver le besoin d’une révélation divine et d’une religion
expérimentale. A partir de cette époque, l’œuvre des missions a pris
un développement sans précédent 1
.
Les progrès dans l’art de l’imprimerie ont très sensiblement aidé
à la propagation des saintes Ecritures. Les facilités de communication d’un pays à l’autre, la disparition des barrières élevées par
les préjugés et les exclusivismes nationaux, ainsi que la chute du
pouvoir temporel ont frayé la voie à la diffusion de la Parole de
Dieu. Depuis 1871, les saintes Ecritures se vendent sans entrave
dans les rues de Rome et elles se répandent actuellement dans toutes
les régions habitées du globe.
L’incrédule Voltaire disait : “Je suis las d’entendre répéter que
douze hommes ont fondé la religion chrétienne. Je prouverai qu’il
suffit d’un seul homme pour la renverser.” Il y a bientôt deux siècles
que cet écrivain est mort. Des millions de sceptiques se sont joints à
lui dans sa guerre contre les oracles de Dieu. Or, loin d’être extirpés,
[310] là où il y avait cent exemplaires aux jours de Voltaire, il y en a dix
mille, que dis-je ? il y en a cent mille aujourd’hui. Pour parler avec
un réformateur, “les Ecritures sont une enclume qui a déjà usé bien
des marteaux”. Le Seigneur ajoute : “Toute arme forgée contre toi
sera sans effet; et toute langue qui s’élèvera en justice contre toi, tu
la condamneras 1
.”
“La Parole de notre Dieu subsiste éternellement.” “Les œuvres
de ses mains sont fidélité et justice; toutes ses ordonnances sont
véritables, affermies pour l’éternité, faites avec fidélité et droiture 2
.”
Ce qui est édifié sur l’autorité humaine tombera; mais ce qui repose
sur le rocher immuable de la Parole de Dieu subsistera éternellement.
* * * * *
[311]
1. Voir Appendice.
1. Ésaïe 54 :17.
2. Ésaïe 40 :18; Psaumes 111 :7, 8.
Lebéréen- Messages : 156
Date d'inscription : 07/03/2015
Re: Papisme et révolution Française
Shalom et merci beaucoup Lebéréen pour ces infos intéressantes et édifiantes. Je lisais justement des livres sur le XVIIIeme et la révolution française récemment, mais d'auteurs plutôt catholiques... Et ton article m'a permis de faire plus de recherches sur la Saint Barthélémy. Je ne savais pas que le pape de l'époque s'en était à ce point réjouit...
Axelle- Messages : 16
Date d'inscription : 22/05/2018
Re: Papisme et révolution Française
Axelle a écrit:Shalom et merci beaucoup Lebéréen pour ces infos intéressantes et édifiantes. Je lisais justement des livres sur le XVIIIeme et la révolution française récemment, mais d'auteurs plutôt catholiques... Et ton article m'a permis de faire plus de recherches sur la Saint Barthélémy. Je ne savais pas que le pape de l'époque s'en était à ce point réjouit...
Louez soit notre grand Dieu et son Fils bien aimé de nous donner les éléments historiques et prohétiques en ces temps de la fin.
Lebéréen- Messages : 156
Date d'inscription : 07/03/2015
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